Téléfilms de Noël et amours de sucre glace

Sherlock Com' - - Plateau télé - 30 commentaires

Vive le pain d’épices. Après une année 2020 si particulière, place à la magie de Noël avec un peu de neige, des boules, la famille, des sourires, de l’amour et du sucre. Depuis plus de deux mois, les programmes de M6, TF1, C8, W9 et TMC ont basculé dans un moule à cake : plus de 270 téléfilms de pain d’épices ont été diffusés. Et chaque année, la dose de glucose est toujours plus élevée car tous ces programmes made in USA font un carton d'audience. Mais qu’est ce qui peut bien pousser les téléspectateurs à suivre les histoires d’amour de Sadie, Joe, Grace et son chien ? On a tenté de comprendre la recette de ces téléfilms de Noël. Une chronique très sucrée, avec un léger arrière-goût.

Musique !

Arf Noël…

Dans un petit chalet en bois...

Pour démarrer cette chronique bienveillante et pleine d’amour, on va vous raconter la belle histoire de Grace.

Après une période professionnelle compliquée (c’est une ancienne du corps des Marines revenue d'Afghanistan), elle décide de rentrer chez elle à Cincinnati pour Noël....

Mais sur la route, badaboum, elle a un accident de voiture…

Par chance, le véhicule est bloqué juste devant la maison de Joe, le sosie de Tom Cruise.

Joe, Grace, on pressent que ça va matcher.

Le temps que la voiture soit réparée, Grace est hébergée chez Joe. Très vite, ils sympathisent car ils ont une passion commune : les chiens.

Une passion un peu douloureuse pour Grace. Oui, car ce qu’on ne vous a pas dit, c’est que sa période compliquée en Afghanistan n’est pas liée aux attaques de drone ou aux talibans, c’est surtout qu’elle a dû laisser son chien là-bas. Ce qui la rend triste.

Et quand elle est triste, Grace regarde des photos de son chien

Joe a beau essayer de lui changer les idées (en l’emmenant à l’Eglise ou en lui faisant décorer des poteaux électriques).

Rien n’y fait, Grace est triste...

Et du coup, quand elle est triste...

La suite, vous l’avez compris. Joe et Grace se rapprochent. Pendant un moment, on pense que l’ex de Joe, une patineuse hors pair, va le récupérer. Mais non, car comme l’explique la mère de Joe, l’ex a un défaut : “Elle a remporté un prix de patinage artistique quand elle était au lycée mais on pourrait jouer au hockey avec ses cookies tellement ils sont durs, elle n’est vraiment pas douée”.

Joe et Grace peuvent donc se rapprocher et s’embrasser...

Ah non, pas là...

La première tentative du premier baiser est toujours ratée (20 min avant la fin, histoire de vous tenir en haleine).

Au bout d’1h20 d’intrigue haletante (cookie, sablé et boule à neige), Joe va offrir à Grace le plus beau des cadeaux...

Oui, vous non plus vous n’y croyez pas...

Il a ramené son toutou d’Afghanistan !

Du coup, là, on peut y aller. 3… 2… 1...

Diffusé sur TF1 dans l’après-midi du 10 décembre, ce téléfilm tourné avec le sosie de Tom Cruise est logiquement intitulé Mission : romance de Noël.

C’est l’un des 270 téléfilms de Noël diffusés sur une chaîne française depuis fin octobre. Oui, depuis quelques années, M6, la pionnière du genre, est rattrapée par TF1, TMC et C8 qui commencent à diffuser ce type de programme de plus en plus tôt à raison de 1 à 2 téléfilms par matinée ou après-midi.

C8 a dégainé en premier... 

Suivi par TF1 et M6...

Des programmes incroyablement formatés. 

La recette du téléfilm au pain d'épices

Pour un bon téléfilm de Noël, il vous faut… de la neige et un sapin.

Une barbie, brune ou blonde, qui cherche l’amour et un Ken à la mâchoire carrée…

Sans oublier le pain d’épices et autres sucreries de Noël...

Histoire que le futur couple puisse se rapprocher à coup de bataille de crème pâtissière…

Mais sans aller plus loin, car le baiser final n’a lieu qu’à la toute fin, de préférence devant la famille. Bref, dans un téléfilm de Noël, il faut faire simple. Un homme, une femme, trois dialogues, et une bonne dose de bons sentiments.

Le tout, avec un titre incluant Noël. Ce qui ne permet pas énormément d’excentricité…

Noël peut être "émouvant", "impérial", "romantique" ou simplement "traditionnel".

Ou sinon, c'est le coup de foudre (avec le père Noël, l’apprenti du père Noël, sous le sapin ou ailleurs). On peut même avoir un “second coup de foudre à Noël”.

Dit comme ça, ça fait moyennement rêver. Et pourtant, ces téléfilms de Noël font un véritable carton. Les audiences des téléfilms de Noël ? C’est même devenu un marronnier du marronnier. Vous ne connaissez peut-être pas Christine Bouillet, la programmatrice de la chaîne M6, mais on peut vous dire que les journalistes médias ont bien son numéro. Depuis trois ans, à l’approche de l’hiver, elle se réjouit des audiences époustouflantes de ces téléfilms : 700 000 téléspectateurs en moyenne en 2017, 800 000 en 2018. Même chose à TF1 : + 300 000 téléspectateurs par rapport à la case habituelle en 2017, des téléfilms qui “frôlent les deux millions” en 2018, +, 5 points d’audience en 2019.

Et que dire de 2020 ! Avec le confinement, TF1 a constaté une hausse de 300 000 téléspectateurs par rapport à l’année d’avant. Tout ça serait lié au confinement…

Les secrets de fabrication d'un téléfilm au pain d’épices

Cette mode du téléfilm de Noël est venue des Etats-Unis. Deux chaînes de télévision se partagent une grosse partie du gâteau : Lifetime et Hallmark Channel. Cette dernière est une filiale de l’entreprise américaine de carte de voeux Hallmark Cards. Mais oui, quoi de mieux qu’un bon vieux téléfilm de Noël pour vous donner envie d’envoyer des cartes de voeux à votre famille et vos amis !

Une industrie sucrée qui se porte bien aux Etats-Unis. Chaque année, les nouveautés sont toujours plus nombreuses (près de 40 inédits sur Hallmark et 34 sur Lifetime en 2020). Un business rentable. Car vous l’avez compris, les scénaristes ne passent pas des mois à écrire un script, et les acteurs ne se posent pas des questions existentielles quant à l'interprétation de leur personnage.

Chez Hallmark, le téléfilm de Noël se produit à la chaîne : d’après un article de Business Insider de 2017, Hallmark produit des films en trois semaines, avec un budget serré de 2 millions de dollars (en France, c’est le double, soit 4,4 millions d'euros de budget moyen par film). Finalement, le plus difficile pour un téléfilm de Noël, c’est la neige artificielle. Comptez 50 000 dollars de budget. Et quelques galères à prévoir, étant donné que ces téléfilms sont souvent tournés en plein été : couvertures en tissu, mousse ignifuge, neige artificielle de stations de ski, toutes les techniques sont bonnes…

Avec tous ces ingrédients, c'est donc le carton assuré. Dès l’approche de Noël, les fans français s’organisent. Sur Telefilmsdenoel.fr/, vous avez tout le programme, semaine après semaine…

Sur Facebook, des groupes de fans de téléfilms de Noël s’échangent leur bon plan et leur top 10.

Réconfortant, sans violence, et un peu réac

Un succès qui s’explique par la nature de ces programmes : c’est sucré, réconfortant, sans violence, on connaît l’issue dès le début. Ça se déguste sous un plaid, avec un chocolat chaud. Mais ce ne sont pas seulement des téléfilms d’amour dans une ambiance de Noël.

Car sur la petite dizaine de téléfilms que nous avons regardée (eh oui !), il y a une autre constante : le personnage principal est souvent une femme seule, vivant dans une métropole, qui attache beaucoup d'importance à sa carrière professionnelle et qui retourne dans son village natal pour retrouver sa famille (souvent un père veuf ou une mère seule). Et retrouver les vraies valeurs.

Dans Un Noël au coeur tendre par exemple, Sadie travaille dans le marketing…

Mais elle quitte tout en décidant de reprendre la chocolaterie familiale (et au passage, tombe amoureuse du repreneur moins attaché aux traditions au début du téléfilm).

Dans Un Noël pour te retrouver, Sarah, une avocate de Boston retrouve son ex petit ami, resté dans leur ville natale pour ouvrir son cabinet de vétérinaire. Pourquoi est-il resté dans ce trou ? "Les habitants, la chaleur, le jamboyala, tout ce qui fait qu’on a l’impression que c’est Noël toute l’année".

A la fin, Sarah décide évidemment de rester dans sa ville natale…

Des scénarios identiques, ponctués de citations semi-philosophiques sur les valeurs et les traditions : "Il faut savoir rendre hommage au passé, sinon comment savoir où on en est", "On est meilleur et plus heureux quand on est ensemble que quand on est séparé", "L’herbe n’est pas plus verte ailleurs, surtout dans une mégalopole bâtie avec du béton."

Le marché de Noël traditionnel ? Les prix n’augmentent jamais car "une semaine dans l’année, les commerçants veulent nous rappeler comment les choses étaient avant. Faites maison, simples et pas chères. Pas ces cochonneries bourrées d'arôme artificiel".

Les cadeaux ? "Ce n’est pas ça qui compte le plus à Noël. Ce qui compte, c’est la famille, nos voisins, les bons souvenirs et passer du temps avec les personnes qu’on apprécie et d’honorer les vieilles traditions tout en en créant de nouvelles."

Ah les traditions ! Dans Joyeuse pagaille à Noël (M6), l’héroïne va se faire remonter les bretelles par sa mère pour avoir commandé un gâteau tout préparé pour le réveillon : "Quel est l’intérêt d’avoir des traditions de Noël si c’est pour ne pas les respecter ? On transmet les mêmes traditions de génération en génération, et elles finissent par faire partie de l’histoire de la famille. C’est la seule chose qui nous lie à notre passé et qui fait le lien entre nos ancêtres et nous"

Heureusement, mamie pourra faire sa tarte aux pêches, comme chaque année. Moralité, "il faut répandre l’esprit de Noël de tout notre coeur".

Des traditions traditionnelles tendance réac, c’est la coloration d’une grande partie de ces téléfilms de Noël. Pas étonnant qu’une enquête de 2017, relayée par le LA Times, indique que les programmes Hallmark sont plébiscités plutôt dans les Etats conservateurs du sud et du midwest des Etats-Unis. Hallmark ? C'est précisément l'unique fournisseur de téléfilms de Noël de TF1.  Attention donc à l'excès de sucreries et au pain d'épice un peu moisi. Joyeux Noël.

Devenez scénariste d'un téléfilm de Noël

On termine l’année par un petit jeu. Quatre captures. A vous d’écrire le scénario. Le meilleur scénariste recevra une vraie boîte de chocolat.

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