Roselmack, TF1 et la Française des jeux : sept ans d'addiction

Sherlock Com' - - Plateau télé - 19 commentaires

Frédéric a remboursé ses dettes grâce à elle. Et sans elle, Jean-François n'aurait pas pu garder son commerce. Avant eux, c'est Véronique, sans emploi, qui a retrouvé le sourire en ayant eu recours à ses services. Elle ? C'est la Française des jeux (FDJ). Depuis sept ans, dans l'émission "Sept à huit", TF1 et Harry Roselmack prennent des nouvelles des gagnants du loto et des jeux de grattage, tout en enquêtant sur les coulisses de cette "machine à rêve" (à suivre, des révélations sur le poids des boules de loto). Des reportages multirediffusés, suivis par plusieurs millions de téléspectateurs, qui permettent à TF1 d'offrir à la FDJ une formidable exposition depuis 2014. Une date-clé qui n'a peut-être rien à voir avec le hasard...

Comment ça marche déjà ? Ah, oui, il faut…

Et encore…

Avec le doigt ou avec le pouce, peu importe. L'essentiel, c'est de gratter : 

N'est-ce pas madame ?

Dimanche 24 octobre, les caméras de Sept à huit ont filmé seize personnes en train de découvrir qu'elles n'avaient pas gagné aux jeux de grattage, mais gardant l'espoir de gagner un jour.

Mais qu'y a-t-il derrière ces tickets ? "Vous allez voir comment la Française des jeux redouble de créativité et de sécurité pour lancer régulièrement de nouveaux jeux", nous annonce Harry Roselmack.

Un embedded dans l'usine de fabrication de tickets

Cette enquête nous amène au Canada, où se trouve l'usine de fabrication de ces jeux à gratter. Un déplacement qui valait le coup, car on assiste à une cascade de révélations. Prêt pour une "plongée dans les coulisses d'une machine à rêve"

Alors, pour fabriquer des tickets à gratter, il faut…

Retour en France après cette belle visite guidée. Au cours du reportage, les caméras de Sept à huit n'ont croisé que des personnes heureuses. À commencer par les buralistes : "Aujourd'hui, les jeux permettent à de nombreux buralistes de survivre face aux baisses des ventes de cigarettes et de journaux.", explique le journaliste. 

Et pour cause : les joueurs sont de plus en plus nombreux. "25 millions de personnes ont tenté leur chance l'an dernier", les jeux de grattage "représentent désormais près de la moitié des mises avec un record l'an dernier, plus de huit milliards d'euros joués."

Avec la Française des jeux, tout le monde est gagnant, les buralistes, mais aussi les joueurs. 

Portrait d'un gagnant qui a remboursé ses dettes

Les caméras de Sept à huit ont par exemple suivi Frédéric, un père de deux enfants qui a empoché 500 000 euros grâce au jeu CASH. Endetté, malade, il était dans une situation précaire jusqu'à ce qu'il gratte le ticket gagnant. Une belle histoire pour la FDJ, et pour Sept à huit.

"Ça ne pouvait pas tomber mieux, explique le journaliste. Il a travaillé pendant 20 ans dans l'hôtellerie-restauration, de serveur à directeur d'hôtel. En 2011, il ouvre une boutique de jeux vidéo mais fait faillite deux ans plus tard. Il est alors criblé de dettes, plus de 50 000 euros."

Pas simplement endetté, Frédéric était aussi malade : "Le sort s'acharne, suite à des problèmes cardiaques, il doit arrêter de travailler et ne touche qu'une pension d'invalidité de 800 euros", précise la voix off. 

Au plus mal, il finit par jouer à un jeu de grattage, et il gagne. Du coup, "il rembourse ses dettes et meuble son intérieur, du sol au plafond". Si si, il s'est entièrement meublé grâce à la FDJ. La preuve en image : pièce par pièce, TF1 filme tout ce qu'il a pu s'acheter (un frigo, une gazinière à "600 euros", une machine à café, une table, des chaises, un lit).

Sans oublier le canapé ("2 000 euros"), car Frédéric aime bien s'asseoir et se détendre en regardant... TF1.

"Il s'offre même, pour tous ces meubles, l'extension de garantie". C'est dire si la FDJ lui a sauvé la vie...

Album photo, dossier médical, tout y passe

TF1 lui a également demandé d'ouvrir son album photo car voyez-vous, "il n'était plus parti en vacances avec ses enfants depuis 8 ans." On entre alors un peu plus dans son intimité avec les clichés de ses enfants à la plage. Frédéric est heureux d'avoir pu leur "payer une glace".

Et, au fait, sur le plan médical ? C'est vrai ça, ce serait bien si on pouvait avoir accès à son dossier : figurez-vous que son argent va lui permettre "des soins qui ne sont pas remboursés et qu'il n'aurait jamais pu s'offrir." Ses dents se sont déchaussées, une opération est nécessaire. "Très content d'avoir cet argent à disposition pour pouvoir me payer des dents", déclare le patient.

Poussant un peu plus l'enquête, les journalistes de Sept à huit l'ont même suivi au restaurant : "Pour son anniversaire, il invite ses deux enfants et Aurélie, avec qui il est resté marié 17 ans, dans un restaurant étoilé. Une première." Le menu ? "Pressé de foie gras aux agrumes, un chevreuil avec échalotes confites et griottes , et des langoustines aux trois fruits secs."

"L'addition pour ce repas s'élève à 514 euros", détaille la voix off, qui précise que "Frédéric a laissé 150 euros de pourboire." 

Devant le menu, le journaliste demande une réaction à son ex-femme, au bord des larmes : "C'est très émouvant, je ne sais pas quoi dire". Parfait, c'est dans la boîte.

Meuble après meuble, coup de fourchette après coup de fourchette, ordonnance après ordonnance, l'équipe de Roselmack nous raconte tout, précise chaque dépense essentielle de cet endetté qui a réussi à s'en sortir grâce au jeu. Un sujet qui répond parfaitement au cahier des charges de ces reportages qui plongent dans l'intimité de ces "Français à l'euro près".

Frédéric est un exemple pour TF1. Combien de téléspectateurs en difficulté se sont identifiés à lui ? Dimanche, Sept à huit a attiré 2,8 millions de téléspectateurs. C'est moins bien que le 16 février 2020 (3,2 millions) et le 27 décembre 2020 (4,7 millions)Oui, parce que dimanche dernier, en regardant ce sujet, on n'avait pas compris qu'il s'agissait de sa troisième diffusion à l'antenne. Et qui dit trois diffusions, dit trois lancements différents pour Harry Roselmack…

Trois diffusions en moins de deux ans, c'est un beau score pour Harry Roselmack. Lequel a développé une petite addiction au jeu de la FDJ depuis quelques années.

Sept ans d'addiction au jeu pour Roselmack

Avant l'embedded au Canada, Sept à huit avait déjà enquêté dans les coulisses d'un autre jeu, le loto. 

 Une enquête multidiffusée (7 décembre 2014, 7 août 2016, 30 juillet 2017 et 3 novembre 2019). Faut dire qu'il y avait du scoop…

Le poids d'une boule de loto ?

Le bouton pour faire tourner les boules ?

Et les machines pour enregistrer vos tickets gagnants ?

Autre spécialité de Sept à huit : le recueil de témoignages des gagnants de la FDJ. Le 21 juin 2020, l'équipe de Harry Roselmack a interviewé, en exclusivité, Véronique. "Elle était au chômage, son mari était magasinier. Ça, c'était avant de devenir très riche, il y a douze ans, avant ce soir de novembre 2008 où le couple a gagné 15 millions d'euros au loto, explique Roselmack dans son lancement. Comment cette famille ouvrière vit-elle aujourd'hui son statut de millionnaire ? Par quelles étapes est-elle passée ? Vous allez voir que sa vie peut changer sans que l'on change vraiment soi-même".

En 2014, Harry Roselmack s'intéressait déjà à une "ancienne secrétaire commerciale [qui] venait de perdre son emploi quand elle est devenue riche grâce à un ticket d'Euromillions à 12 euros". Une certaine Véronique...

Eh oui, en sept ans, Sept à huit a réussi à faire deux interviews de cette chômeuse gagnante. Il faut dire que la première interview avait déjà été diffusée trois fois (en février 2014, en août 2014 et en janvier 2017). Il était donc temps de la retourner.

Point commun de tous ces reportages depuis sept ans ? Ils n'abordent jamais le sujet qui fâche : les problèmes d'addiction aux jeux de la FDJ. Alors que la réglementation impose à la FDJ d'indiquer, dans chacune de ses publicités, que "jouer comporte des risques, endettement, dépendance" en précisant le numéro à appeler en cas de problème, rien de tout cela dans les sujets de Sept à huit.

L'addiction au jeu ? Pour comprendre l'ampleur du problème, les journalistes de Sept à huit auraient pu lire un article sur un site d'info de leur propre groupe (LCI.fr). On y apprend notamment que la France compte près de 200 000 joueurs pathologiques, que "les jeux de grattage [ont] un pouvoir addictif bien plus fort que ceux de tirage du type Loto ou Euromillions. Entre 2010 et 2018, la part des joueurs faisant appel aux services de SOS Joueurs pour des problèmes liés aux tickets à gratter a bondi de 14,7% à 32,5%." 

Le jeu CASH, si présent dans le sujet de TF1, est l'un des jeux les plus addictifs. Quant au profil de ces joueurs pathologiques, il s'agit souvent de personnes "qui se situent plutôt en bas de l'échelle sociale et sont assez fragiles".

Mais chut, faudrait pas que les téléspectateurs de TF1 rechignent à gratter les jeux de la FDJ édités à l'effigie des émissions de la chaîne. Une pratique instaurée dès 2015 avec un jeu de grattage spécial Koh Lanta...

Et qui a ensuite été déclinée avec d'autres programmes...

Mais soyons juste : Roselmack n'a pas toujours été aussi complaisant avec la FDJ. En 2012, Sept à huit avait consacré tout un reportage à Benjamin, un jeune homme de vingt ans, "accro aux jeux", notamment aux paris sportifs et aux tickets de grattage (il pouvait en acheter une cinquantaine en quelques jours). Surendetté, il s'était suicidé. Pas vraiment une bonne publicité pour la FDJ dont le logo était très présent dans le sujet.

Mais ça, c'était en 2012. Depuis, à l'exception d'un sujet sur les paris en ligne diffusés en 2018 mais qui ne cible pas la FDJ, Sept à huit se montre bienveillant avec les jeux d'argent, loterie et grattage. Une addiction aux reportages complaisants qui a débuté en février 2014, avec la diffusion de la première interview de Véronique. Soit un mois à peine après l'arrivée du loto et de l'Euromillions sur TF1 (les tirages étaient diffusés sur France 2 avant cette date). Comme quoi, le hasard fait décidément bien les choses...

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