PPDA : 1h48 d'hagiographie sur le service public

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Alors qu'il n'est même pas mort !

Presque deux heures de PPDA avec Delahousse en voix off. C'est à France 2 que l'on doit cette expérience unique dans le cadre de l'émission "Un jour, un destin". Le destin ? C'est celui de Patrick Poivre d'Arvor, "un des personnages centraux de la vie de la France” qui peut à la fois séduire "les grands, les petits, les vieux, les gros, tout le monde”. Même les gros ? Pendant 1h48 (chaque minute compte), des proches de l'ancien présentateur écrivent et réécrivent "le roman de sa vie". Des kilomètres de citations invraisemblables, un montage tout à sa gloire, et une belle casserole oubliée : Delahousse a bien fait les choses pour PPDA. Comme en 2013 et 2015.




Après Belmondo "l'enfant terrible" et Bruel, "la soif de vaincre", Laurent Delahousse (L'horloge parlante du Dimanche) s'est intéressé à PPDA et au "roman de sa vie".

Une émission qu'on a failli ne pas voir. Dans une interview à TV magazine, PPDA explique avoir eu une "petite réticence" parce qu'il avait "l’impression qu’il ne s’agissait de parler que de personnes disparues…" Même pas mort, PPDA a finalement accepté de participer à "Un jour, un destin". Et quelle émission ! Depuis maintenant dix ans, Delahousse raconte l'histoire de "célébrités" sur France 2. Un format calibré au millimètre pour encenser un acteur, un chanteur ou PPDA. Grâce à des témoins qui parlent dans le noir...



Et des reconstitutions époustouflantes, customisées à la palette graphique...

Enfant, petit Patrick mangeait de la soupe

 

Il adorait lire le soir avec une lampe de poche...

Mais bon, on le repérait assez vite sous la couette

Entré à l'école de journalisme (en nouant sa cravate)...

 

... il a commencé par faire des revues de presse



Puis il a mis des épingles sur des cartes

Au début de sa carrière, sa femme adorait l'écouter en mangeant des tartines


Mais il n'était pas souvent à la maison, alors elle ne finissait jamais ses tartines



Trop triste. Et quand Patrick est triste, il va à la mer...

Ces reconstitutions improbables sont ponctuées par le récit de Delahousse en plateau avec la fameuse pause demi-fesse et PPDA partout (dans des tableaux, dans les écrans, en reflet dans les vitres).

Mais "Un jour, un destin", c'est surtout un récit très personnel de l'histoire de PPDA. Car c'est vrai qu'on le connait à peine. C'est quelqu'un de très pudique...



Qui ne s'est jamais épanché sur sa vie à la télévision...

Delahousse a donc rattrapé cet oubli en racontant (enfin) la vie de PDDA. Et ceux qui parlent le mieux de Patrick, ce sont les autres. "C'était un des personnages centraux de la vie de la France”, "Il savait tout faire, il comprenait plus vite que les autres”. Normal : "Il a une soif de connaissance qui est inextinguible”. Brillant, mais discret, "c'est quelqu’un qui hésite toujours entre la timidité et l’audace”. Et c'est forcément l'audace qui l'a emporté. Car il a une “capacité à séduire un public dans sa diversité, les grands, les petits, les vieux, les gros, tout le monde”. Et ça, c'est notamment grâce à sa voix qui est "très douce sur le plan des décibels, et en même temps, [elle] a un petit métal dans le grain qui lui permet de persuader son interlocuteur”.

Résultat : Patrick a présenté un journal "qui rassemblait le plus de téléspectateurs quasiment au monde". Quasiment. Du coup, c'est "devenu une star, voire une archi-star de style hollywood". Archi star, mais accessible. "Je ne l'ai jamais vu dire non à quelqu'un qui venait lui tendre la main, qui demandait un autographe, une photo, jamais". Jamais. Sollicité en permanence, "il recevait 50 à 70 lettres par jour et il prenait le temps de lire et de répondre à tout son courrier".

Un surhomme. En même temps, vu les témoins de l'émission, il ne fallait pas s'attendre à autre chose. Toute sa famille a témoigné : sa femme, ses filles, son fils (les cousins n'étaient pas libres).


Parmi les témoins, il y avait aussi "son ami", "son ami 2", un "journaliste et ami", "son ami d'enfance", "son ami d'enfance 2" et "une journaliste", Claire Chazal (qui accessoirement est la mère de son dernier enfant).


Autant dire qu'avec un tel casting, PPDA était tranquille. Certes, il a fait quelques boulettes pendant sa carrière, mais rien de très grave. En 1990 par exemple, PPDA fait croire qu'il a interviewé Castro en tournant ses questions en post production et en collant les réponses données par Castro à d'autres journalistes pendant une conférence de presse.


Du "bidonnage" comme l'affirme Christine Ockrent (la seule critique de PPDA dans l'émission) ? Mais non... "Les propos de Castro ne sont pas maquillés, truqués. Ce que Castro dit, il le pense", relativise un proche. "Ca faisait un bout de temps qu'on voulait l'abattre, on le cherchait, il était en quelque sorte pisté, assure un autre. A chaque fois qu'il disait quelque chose, c'était décortiqué. Si ça n'avait pas été ça, ça aurait été autre chose, faut pas se faire d'illusions non plus".

Même technique de l'airbag amical pour amortir les affaires avec le cas Botton. Cet homme d'affaires "l'invitait à des soirées, à des week-ends en faisant de l'abus de bien social, c'est-à-dire avec l'argent de ses sociétés". Pour cette affaire, PPDA est condamné à 15 mois de prison avec sursis et 30 000 euros d'amende. Ce n'est pas rien. Mais ses amis témoins vont rattraper le truc : "Patrick ne voit pas le mal, il ne sent pas qu'il y a des choses qui ne sont pas normales". "Il considérait que c'était injuste, que s'il ne s'appelait pas Poivre d'Arvor, et s'il n'était pas le plus important présentateur de France, ça ne lui serait pas arrivé". Le pauvre... Une vraie claque cette affaire, d'autant plus que "Patrick est un idéaliste" qui "voudrait que sa vie soit un roman. Et dans un roman, faut que les choses soient sublimes partout". Or, c'est un humain Patoche, "et donc sur le tableau, il y a parfois des éraflures, des rayures, des taches, on est pécheur".

Des citations comme celles-là, il y en a des kilomètres. Et quand on croit qu'on en a enfin fini, l'émission s'achève... par une interview exclusive de PPDA.


Un moment pendant lequel Delahousse sort le grand jeu. Si vous n'avez vu la séquence, voici, en exclusivité, la fiche Bristol de Delahousse (ce sont les vraies questions).



Autant dire que PPDA était en terrain conquis dans "Un jour, un destin". Et ce d'autant plus que ce n'était pas la première fois que Delahousse lui avouait son admiration. En 2013, le présentateur du 20h de France 2 avait déjà reçu PPDA pour lui cirer ses pompes… et lui permettre de clôturer le JT comme au bon vieux temps.



Une bonne entente qu’on retrouve dans d’autres émissions, PPDA ayant été invité par Delahousse à plusieurs reprises pour commenter l’actualité...


Mieux, en 2015, Delahousse avait déjà consacré une émission complète à la carrière de PPDA. Regardez le début de l’émission, on croirait un clip nord-coréen à la gloire du journaliste.


Pas étonnant, dans ces conditions, que PDDA déclare dans une interview, toujours en 2015 qu'il compte des amis parmi les présentateurs de JT, notamment Claire Chazal (normal), et Laurent Delahousse “avec qui je m’entends très bien", précise-t-il.

Ils s'entendent tellement bien que Delahousse a fait une petite fleur à PPDA en oubliant de citer une affaire gênante dans "Un jour, un destin". Une affaire qui devait sans doute constituer la ligne jaune à ne pas franchir pour s'assurer de la participation de PPDA à l'émission. Vous voyez de quelle affaire, on parle ?

Allez, un indice en images :

Tout au long de l'émission, PPDA est décrit comme un homme de lettres. Lecteur compulsif, écrivain tourmenté : Patrick place la littérature au-dessus tout. Au-dessus du journalisme. Il dira même que la seule trace qu'il espère laisser, ce sont ses livres. Sauf qu'en 2011, le mythe de l'écrivain en a pris un coup : PPDA a été accusé de plagiat par le magazine L'Express pour sa biographie sur Hemingway. Près d'un quart de l'ouvrage aurait été inspiré d'une biographie signée Peter Griffin et parue aux Etats-Unis en 1985. A l'époque, l'hebdo s'étonnait de ne retrouver aucune bibliographie dans l'ouvrage, la seule référence étant des remerciements à un certain Bernard Marck, rapidement présenté comme le nègre de PPDA. Marck avait démenti par une formule très ambigue : "Je ne suis pas son nègre, en tout cas je ne le conçois pas comme ça". Pour sauver les apparences, Flammarion, l'éditeur de PPDA, était donc monté au créneau en assurant, sans rire, que le texte imprimé, diffusé aux journalistes et dédicacé, était "une version de travail provisoire". Une tâche dans le "roman de la vie" de l'écrivain PPDA que Delahousse s'est bien gardé d'évoquer dans l'émission. Après tout, il fallait faire des choix, l'hagiographie n'a duré que 1h48.

 

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♦ LES DEVINETTES PPDA ♦

1. Qui a prononcé la pire phrase du doc : "Il a une capacité à séduire un public dans sa diversité, les grands, les petits, les vieux, les gros, tout le monde”." ?

a. Jean-Pierre Elkabbach

b. Patrick Le Lay

c. Sa mère

 

2. Qu'y a-t-il dans ce sac ?

a. Ses affaires de sports

b. Un enfant

c. 5 kilos de cocaïne


Les réponses sont données le dimanche soir, à 20h, sur mon compte Twitter
(Le gagnant(e) recevra la collection complète des Paris-Match de PPDA)

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