Macron : 1 an à l'Elysée, ça se fête (à la télé)

Sherlock Com' - - Plateau télé - 25 commentaires

“Plein d’énergie”, “jeune”, “séduisant”, “très habile”. C’était la fête de Macron cette semaine. LCI a sorti les bougies, France 24 s’est recueilli près de la pyramide du Louvre, France 3 a gommé les opposants, France 5 a tripatouillé les chiffres, Cnews a oublié les images de manifs. Et BFM a fait du BFM (à coup d'éditorialistes et d’images glamour de Brigitte). Oui, un an après l’arrivée de Macron à l’Elysée, toutes les chaînes se sont démenées pour fêter l’événement. Alors nous aussi...

Tout le monde était de la fête. France 3, France 5, BFM, Cnews, LCI, France 24...

Et quand c’est fête, c’est gif bougie sur LCI

Des chiffres flatteurs sur France 5...

D’autres chiffres flatteurs sur Cnews...

Sans oublier la reine de la fête, Brigitte…

Encore Brigitte…

Et toujours Brigitte (juste derrière Zidane, pas mal)

La fête de Macron à la télé, ce sont aussi des enquêtes de terrain.

France 24 a dépêché une envoyée spéciale au Louvre un an après (mais y’a plus personne madame)

France 3 a interviewé des témoins clés comme un bébé Macron

Et la chaîne a aussi consacré un 52 minutes au bilan du président en Bourgogne-Franche-Comté, avec des interviews d’illustres inconnus, dans le cadre de sa célèbre émission “Enquêtes de régions” (c’est un peu comme Enquête exclusive sur M6, mais ça se passe en région et sans prostituées bulgares)

Des heures de programme donc, pour dresser un bilan de l’action du président. Et le mieux, pour tenter de résumer cette année, c’est de regarder la synthèse de Cnews, diffusée en introduction du débat animé par la journaliste, Laurence Ferrari. Accrochez-vous, c'est collector (on dirait un clip de campagne) : 


Macron à l’Elysée ? C’est sport, jeunesse et intensité.

Pour un anniversaire réussi, il faut également des commentateurs VIP. Comme Eric Fottorino du 1 (qui a fait la fête sur France 3 et France 5), Jérôme Fourqueux de l’IFOP (en after sur France 3 et France 5), ou encore l’écrivain Philippe Besson (sur le dancefloor de France 5 et BFM).

Sans oublier, l’incontournable “politologue”, Roland Cayrol, 76 ans. Visiblement très content d’être sur BFM.

Et France 5.

Ah Roland Cayrol, un invité incontournable, pour des analyses qui le sont tout autant. Macron ? “Il a imposé sa personnalité aux Français”, explique ce spécialiste des “enquêtes d’opinion”. D’ailleurs, selon une étude réalisée dans sa boulangerie (ou dans son bar PMU, l’échantillon n’est pas hyper identifié), “dans certains milieux populaires, des gens qui critiquent son orientation politique, trop libérale, trop à droite, en même temps, ils disent : “faudra juger s’il y a des résultats””.  

Au fond, les gens l’aiment bien Macron. Certes, il peut être un peu arrogant devant “les fainéants”, “ceux qui ne sont rien” et “ceux qui foutent le bordel”. Mais Cayrol en est persuadé :  “Je ne crois pas que ce soit un mépris social, c’est reçu comme ça mais moi je crois que c’est un mépris plutôt d’un technocrate sûr de lui. Il sait ce qu’il faut faire, il est aux affaires et il les fait mais il peut mal admettre que des gens ne comprennent pas”.

Oui, c’est bien connu, quand des citoyens manifestent et contestent la politique de Macron, ce n’est pas par conviction, ce n’est pas parce qu’ils dénoncent une politique libérale qui favorise les plus riches et renforce les inégalités. Non, si “les gens” protestent, c’est avant tout parce qu’ils “ne comprennent pas”. Philippe Besson est d’ailleurs de cet avis : il y a un “déficit de pédagogie”.

Heureusement, Macron a toutes les qualités : “Il est plein d’énergie, il est jeune, séduisant, sans doute très habile” (Jean-Claude Dassier, LCI). Il a “une vision, un discours, un leadership, on a l’impression tout à coup que y’a quelqu’un qui tient le gouvernail” (Christophe Bourseiller, Cnews). “C’est le premier président, pas démago, qu’on a depuis… pfffff, Pompidou" (Eric Brunet, RMC).

Bref, Macron, c’est un chef qui a pris pleinement conscience de la charge qui pèse sur lui. Il l’a dit lui-même, dans un documentaire diffusé sur France 3, en entrant à l’Elysée, c’est “la fin de l’innocence”. Cayrol l’a remarqué : “Le temps de l’innocence est passé et ça se voit sur son visage, sur sa démarche”.

Même constat de Françoise Fressoz du Monde : “C’est un détail physique qui m’a beaucoup frappé. Le film s’appelle la fin de l’innocence, et je trouve qu’il le porte sur son visage”. Si si, regardez bien : “Les rides se sont creusés là, très fortement, il porte la charge du pouvoir”. Pour ceux qui ne maîtrisent pas très bien l’anatomie du pouvoir, la charge, c’est là :

Des débats de ce type, on en a eu sur France 3, France 5, Cnews, BFM et LCI. Avec des questions qui tournaient toujours autour des mêmes thèmes. La politique fiscale ? L’immigration ? La transition énergétique ? L’Europe ? Le modèle agricole ? Non. Il était exclusivement question de l’image du président et de sa communication. Sans aucun intérêt donc, ça permet juste de jouer à un “bingo de réunion”. Vous connaissez le principe ? Quand vous vous ennuyez dans une réunion, vous créez une grille avec les mots utilisés sans cesse, et vous cochez les cases à chaque fois qu’un mot clé est prononcé. Dès qu’une ligne est complète (à la verticale, l’horizontale ou diagonale), c’est gagné.

Pour le bingo Macron, la grille pourrait inclure (entre autres) : “monarque républicain”, “personnage romanesque”, “président jupitérien”, “Et en même temps”, “Rendre sa grandeur à la France”, “verticalité”, “maître des horloges”, “autoritarisme”...

Faites le test avec C dans l’air, 24h Pujadas, Punchline et toute autre émission de “débats” consacrés à Macron (ici, ici ou ).

Attention aux pièges tout de même. Tous les intervenants ne sont pas des générateurs à bingo. Car dans toute fête, il y a les grincheux. Par exemple, Cnews avait invité le syndicaliste Brunot Poncet (Sud-Rail). Pour lui, “en un an, Macron a détruit le CDI, il a réformé le code du travail à toute vitesse (...) il essaye de détruire la SNCF”. Et Poncet d’ajouter : “Moi ce que je vois de lui, dernièrement, c’est ce goût pour la violence parce que 11 500 grenades sur 500 zadistes qui avaient juste des planches en bois, c’est un peu démesuré”.

Heureusement, Cnews a tout fait pour ne pas gâcher la fête grâce à des images d’illustration bien choisies. Quand Poncet déclare que Macron a détruit le CDI, Cnews appuie son propos en montrant une image du couple Macron tout sourire :

Et quand le syndicaliste parle des 11 500 grenades, changement des images d’illustration :

Même chose quand le député FN, Sébastien Chenu, déclare que Macron “est le pire de la droite et le pire de la gauche” (et en terme de pire, c’est un expert qui parle), Cnews change son bandeau et son image d’illustration :

France 3 : 1h26 d’hagiographie et 33 secondes de manif

De toutes les soirées organisées pour fêter Macron, c’est sans doute celle de France 3 la plus réussie grâce au documentaire “Macron président, la fin de l'innocence”. Un documentaire réalisé par Bertrand Delais :

Déjà auteur de deux documentaires plutôt élogieux sur Macron (quand il était ministre et pendant la campagne), Delais vient d’être nommé par l’Assemblée nationale, président de La Chaîne Parlementaire. C’est dire si le bonhomme est subversif…

La presse ne s’y est pas trompée :

Alors comment réalise-t-on un documentaire complaisant ? La technique est assez simple. Il faut d’abord bien sélectionner les sujets. Macron à l’Elysée ? C’est la loi travail, la réforme SNCF, les cadeaux aux plus riches (ISF, flat tax), la loi Asile et immigration, la hausse de la CSG. Mais pour Delais, c’est une succession de rencontres internationales : Poutine à Versailles, Trump sur les Champs-Elysées, Merkel à l’Elysée, etc. De quoi insister sur sa “stature”, “l’incarnation du pouvoir” (reprenez votre grille de Bingo Macron).

Sur les migrants, Delais expédie le sujet en quelques secondes en évoquant le déplacement de Macron à Londres pour ”chercher une solution sur les migrants qui veulent gagner l’Angleterre et qui restent bloqués à Calais”. C’est le seul moment où l’on verra des migrants...

Sur la loi travail, encore mieux : Delais ne montre aucune image des manifestations. Il préfère insister sur la nouvelle mise en scène du pouvoir avec la signature de la loi…

Une mise en scène décryptée par un anthropologue et justifiée ensuite par Macron (c’est une manière de “faire de la pédagogie”, forcément).

Pour voir des manifestants, il faut attendre plus d’une heure, quand le documentariste aborde la réforme de la SNCF. Mais sur 1h26, il n’y aura que 33 secondes de manif.

Avec un commentaire en voix off qu’on vous laisse apprécier : “Les fantômes d’une France rétive au changement refont surface”. Macron doit “justifier sa réforme de la SNCF dans une France partagée entre le désir et la peur devant tout changement”. Ah ces cheminots, trop craintifs et rétifs au changement...

Heureusement, Macron est bien reçu en province. A Berd’huis par exemple, Delais explique que “dans cette France rurale et légitimiste, le président est accueilli avec bienveillance jusqu’à l’excès”. La preuve en image :

C’est bête hein, Delais a juste oublié de préciser que tous les opposants à Macron avaient été bloqués par la gendarmerie à 2km de là comme vous l’avait expliqué votre site préféré...

Mais n’y voyez pas malice. “Moi, je ne suis pas journaliste, je suis documentariste et ce qui m’intéresse, c’est la vérité des gens”, s’est justifié Delais sur France 5, face aux accusations de complaisance. Avant de conclure : “Il y a un travail de confiance, ça je l’assume. Il y a une grande confiance entre nous, mais ce n’est pas de la connivence”. Qu’est-ce que ça aurait été sinon...

Bientôt la 100ème chronique...

En parlant de fête, on n’est pas très anniversaire, mais on est joueur. C’était la 98ème chronique. Si nos calculs sont bons, le dimanche 10 juin, ce sera donc la 100ème. Pour l’occasion, nous vous proposons de choisir le thème : envoyez vos suggestions dans le forum ou par mail (sherlock@arretsurimages.net). On vous laisse deux semaines. A l’issue de votre brainstorming, on organisera un vote le dimanche 27 mai !

DEVINETTES MACRON

1. D'après les très sérieux  chiffres de Cnews, les mots de Macron qui suscitent le plus de tweets sont "perlimpinpin", "croquignolesque" et...

a - jupitérien

b - carabistouille

c - tambouille

2. Dans le documentaire de France 3, l'anthropologue Marc Abélès justifie, sans rire, la référence à Jupiter de la façon suivante...

a - "Il est jupitérien parce qu’il est le peuple, parce qu’il est l’incarnation du peuple”.

b - "Il est jupitérien parce qu'il a la grâce d'un dieu romain" 

c - "Il est jupitérien au sens jupitérien du terme"

Les réponses seront données  sur Twitter dimanche à 20h
(Le ou la gagnant(e) recevra une vraie photo dédicacée de Jupiter)

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