Drucker-Sarkozy, 18 ans de complicité sur le service public

Sherlock Com' - - Plateau télé - 30 commentaires

“C’est beau ce que vous écrivez sur votre maman”. Vous êtes bien accrochés à votre télécommande ? La maman en question, c’est celle d’un ancien président de la République. Et celui qui a aimé le livre est un jeune animateur de 77 ans qui officie sur le service public depuis toujours. Dimanche 6 octobre, Michel Drucker recevait Nicolas Sarkozy sur son canapé rouge. Pour la troisième fois, en 18 ans. Comme en 2001 et en 2004, Drucker lui a parlé des mêmes sujets, avec les mêmes séquences, dans la même ambiance complice. Le monde a changé depuis 2001, mais pas cette télé-là. Alors allez chercher vos parents, vos grands-parents et vos arrière-grands parents, nous allons plonger dans un monde que l’on croyait enfoui dans les archives de la télé.

Regarder Vivement Dimanche en 2019, c’est croiser des gens qu'on pensait ne plus revoir... 

Par exemple, Roland Magdane, venu faire son sketch de la lettre...

Comme en 1983 chez Drucker…

Ou Michel Leeb…

Un habitué lui aussi…

Ou encore Hugues Auffray, toujours en pleine forme, Santiaaannoo...

Bref, Drucker, c’est une émission de variétés qui a vieilli avec son public. Désormais, le dimanche, vous avez le droit à une chronique “animaux”...

Une chronique “santé”...

Et nouveauté de la rentrée 2019, une chronique écolo, portée par la non moins écolo...

Mais le 6 octobre, on a assisté à un “Vivement dimanche prochain exceptionnel en raison de la dimension de l’invité”. Enfin, invité, ce n’est pas le bon mot. On n’invite pas Nicolas Sarkozy. C’est Nicolas Sarkozy qui tient sa promesse de venir.

“Lors de la sortie de son livre, Passions, avant l’été, qui est un best seller, je l’avais invité, il m’a dit, je viendrai. Il a tenu parole, M. Sarkozy est là”. Générique.

Les retrouvailles de Drucker et Sarkozy

Avouons-le, ça faisait une bonne dizaine d’années qu’on n’avait pas regardé un Drucker. Pour vous donner une petite idée de l’ambiance, voici les premiers échanges :

Drucker : Passions est le best seller de l’été. Ca vous surprend ce succès ?”

Sarkozy : “Vous savez, le succès, c’est toujours un miracle. On ne peut pas l’anticiper, on ne peut pas le prévoir, il arrive, il emporte tout et quand on a la chance de toucher au succès, quel que soit son domaine, quelle que soit son activité, il faut remercier le bon dieu, le destin, les gens parce que c’est un cadeau dont tout le monde ne bénéficiera pas”.

Drucker : “Ce n’est pas votre premier succès littéraire, le premier était déjà un grand succès, c’est le deuxième”.

Sarkozy : “Je veux dire aux gens merci. Chaque fois, que dans la rue, je rencontre quelqu’un ou à vélo : “Sarko, ton livre, formidable”. Si vous saviez comme ça me fait plaisir”.

Du plaisir, il en a pris Nicolas Sarkozy pendant une heure sur France 2.

Et c’était réciproque…

Sacré Drucker. Une véritable mitraillette. 15 caresses par minute. “C’est beau ce que vous écrivez sur votre maman”, “C’est un document que j’ai voulu revoir, je pense que vous serez heureux de l’entendre”, “J’ai voulu vous faire un petit cadeau”, “Vous ne savez pas ce que c’est que l’ennui”.

Passer une heure avec Drucker, c’est feuilleter des albums souvenirs dans la bonne humeur...

C’est aussi revoir les parents. Enfin, on ne dit pas “parents” chez Drucker. C’est “Pal et Andrée, papa et maman”, annonce l’animateur.

Une interview papa-maman mémorable pour Drucker : “C’est un grand souvenir pour moi, cette rencontre. C’est la seule interview qui existe”.

Ah Drucker ! Avant la diffusion de l’émission, Paris Matchavait eu accès aux images, histoire de teaser un peu un programme en mal d’audiences. Et le site de l’hebdomadaire avait expliqué, sans rire, qu’il “ne devrait pas y avoir un mot sur son renvoi au tribunal pour l’affaire Bygmalion. La décision de la Cour de cassation a été rendue publique mardi 1er octobre, au lendemain de l’enregistrement de l’émission de Michel Drucker”. Comme si c’était le rôle de Drucker de parler des affaires.

Dalaï-Sarko : “Le défi de la vie, c’est de renaître”

Sur le canapé rouge, même un ancien président cerné par les affaires passe pour un moine bouddhiste. Car ne l’appelez plus Sarko, mais plutôt Dalaï-Sarko. Son départ de l’Elysée ? Aucun regret : “Moi, je ne sais pas ce que c’est l’amertume, mais je sais ce que c’est la chance. Et je vois la vie de chacun, je vois les épreuves de chacun, et je me dis : tu as eu de la chance (...) Et quand j’ai été battu, quand j’ai quitté les responsabilités, pour moi, c’était un nouveau challenge. Le défi de la vie, c’est de renaître”.

La politique ? “Ça ne me manque pas parce que, ce que j’aime, passionnément, c’est la vie. (...) Et jusqu’au dernier moment, si on me laisse en bonne santé, je goûterai la vie avec passion, parce c’est la seule façon de vivre, il n’y en a pas d’autres. C’est d’être passionné parce qu’on a un rayon de soleil, c’est être passionné parce qu’on a un moment de bonheur, parce qu’on rencontre des gens intéressants".

Et la mort de Chirac, il en pense quoi Dalaï-Sarko ? “Je me suis dit en voyant son cercueil, voilà. Le seul moment d’égalité dans la vie, c’est la mort. Et là, on est tous pareils, y’a pas de président, y’a pas de pauvre, y’a pas de riche, y’a pas grand, petit, on est tous pareil. Et en moi-même, je me suis dit, j’ai pensé à lui : t’as eu une belle vie Jacques”.

Et du coup, le but de la vie ? “Renaître après une déception personnelle, un divorce. Renaître après une déception professionnelle, un licenciement, un échec… c’est ça la vie ! La vie, ce n’est qu’une succession d’épreuves et le bonheur est dans l’épreuve surmontée, pas dans l’épreuve évitée”.

Un boulevard, un tapis aussi rouge que le canapé… Honnêtement, on s’y attendait. C’est fait pour ça Drucker. Mais c’est la longévité de cette belle entente qui nous avait échappé. Car Sarkozy-Drucker, c’est 18 ans de complicité sur le service public.

Comme en 2001 et 2004...

Drucker avait déjà reçu Sarkozy comme invité principal en 2001…

Et en 2004...

Trois invitations en 18 ans, et trois émissions quasiment identiques.

Chez Drucker, on vient d’abord avec sa femme

Cécilia en 2001...

En 2004...

Et Carla en 2019...

On vient aussi avec ses amis…

On rigole devant les mêmes anecdotes. Par exemple, saviez-vous que Sarkozy avait été fleuriste et vendeur de sorbets ? Drucker avait retrouvé ses anciens employeurs en 2001.

Des séquences rediffusées en 2019. Avec les mêmes commentaires. La fille du propriétaire de la Sorbetière ? “Monique… Son père était fantastique, il aimait deux choses… Le pauvre, il est mort. Il aimait le football et voir passer Michèle Morgan dans la rue” (Sarkozy 2019). En 2001, pas de Michèle Morgan mais du foot et des filles : “Le papa de Monique est décédé malheureusement. (...) celui qu’on appelait Tutur à l’époque était plus passionné par le football et aussi par les passantes que par la vente exclusive de sorbet”.

Il est sympa Sarkozy. Car ce n’est pas seulement un moine bouddhiste ayant vendu des sorbets, c’est aussi un grand sportif. Son truc, c’est le vélo.

Drucker 2019 : “Parmi vos passions, il y a le sport, le vélo. On avait fait la côte sauvage ensemble (...) J’avais une seule angoisse, c’est de ne pas être largué parce que, mesdames et messieurs, contrairement à ce que dit Nicolas Sarkozy, quand il est sur le vélo, il y va à fond. Il monte les cols, il n’aime pas être deuxième”. Et l’animateur de diffuser des images d’archives de leur escapade diffusées en 2004…

En prenant bien soin d’effacer Cécilia de l’image (vu que Carla n’est pas loin sur le plateau)

Mais Drucker aurait pu lui passer des images de 2001, car ils avaient déjà fait du vélo ensemble...

Le vélo, c’est sympa. Mais il y a une autre séquence obligée. Accrochez-vous. En 2019, l’émission s’est conclue par une séquence compassion. D’après vous, comment finir en beauté une émission pour s’assurer de la prochaine canonisation de l’invité ? Montrer Sarkozy avec... des enfants ? Des malades ? Ou mieux, des enfants malades ? Mais genre très malades ? “Vous êtes parrain d’une grande opération qui vient en aide aux enfants qui souffrent de cancer”, annonce Drucker. S’ensuit une séquence de 6 minutes sur les enfants atteints de cancer.

Six minutes, c’est pas mal, mais c’est moins bien qu’en 2001. Oui, en 2001, on avait déjà eu le droit à la séquence enfants malades. Mais comme Sarkozy était en pleine campagne pour briguer le poste de premier ministre en cas de réélection de Jacques Chirac, Drucker avait fait les choses en grand, avec un invité cire-pompes premium et un malade reconnaissant.

L’invité cire-pompes, c’était le chef du service génétique des enfants malades à Paris, lequel était épaté que Père Sarko ait demandé à visiter un hôpital : “J’ai été extrêmement touché par cette démarche parce que, pour vous dire la vérité, c’est la première fois que j’ai une demande de ce type là, de la part d’un élu (...) et au lieu de passer une demi-heure, Nicolas Sarkozy a passé une journée entière avec nous”.

A l’époque, un patient avait même trouvé un emploi grâce à Sarkozy et avait accepté de témoigner : “C’est quelqu’un qui me semble très attentif aux malades et à l’hôpital lui-même”. Et Drucker, avec le talent qu’on lui connaît : “Est-ce que les hommes politiques et les médecins ne font pas le même métier ? Est-ce qu’ils ne poursuivent pas le même but ? S’intéresser aux gens et à ce que vivent les gens ?”

Une bien belle relance qui illustre parfaitement le druckerisme. D’ailleurs, Sarkozy ne s’était pas trompé sur Drucker dès la première émission. Qu’il avait conclue ainsi : “Si le service public ne devait servir qu’à ça... Dans un monde où tant d’émissions devraient être des émissions de débat et n’en sont que la caricature, merci de m’avoir invité, ça, j’ai bien conscience que c’est un privilège”. Un privilège renouvelé donc.

Dix-huit plus tard, rien n’a vraiment changé sur le service public. Enfin, si. Si en 2019, Drucker et ses chroniqueurs n'ont bien évidemment pas évoqué les affaires, la question de la corruption dans le milieu politique avait été abordée en 2001. Et Sarkozy était assez catégorique quand on lui demandait de réagir au fait que deux Français sur trois estimaient, à l'époque, que les élus sont corrompus : "C'est un problème considérable et je n’arrive pas à me l’expliquer… Depuis 12 ans, quasiment toutes les semaines, les scandales sortent, on sait qu’il n’y a plus un dossier qui peut rester planqué. Les gens devraient considérer qu’avec ça, au moins ils sont sûrs qu’il y a un minimum de transparence. Eh bien non. C’est une défaite pour nous tous, c’est un problème gigantesque”. Et le César du meilleur acteur est attribué à...

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