Une tornade nommée Rima

Daniel Schneidermann - - Obsessions - 211 commentaires

"Ne vous laissez pas intimider, vous êtes beaux et belles dans cette lutte, votre courage est rayonnant !", lance au mégaphone Rima Hassan aux occupants de Sciences Po. "Beaux et belles" : comme si elle leur partageait son implacable beauté à elle, et cet inlassable sourire patient, quelle que soit la question posée par les porteurs de micro, qui est son arme la plus imparable. "Rima on t'aime" scandaient-ils par avance, alors qu'elle avait annoncé sur X sa venue sur place, parce que, disait-elle, "l'heure est au soulèvement".

Imprévisible campagne européenne. Rima Hassan donne un coup de vieux à tous les autres, tous mouvements de gauche confondus, même le sien, même à ceux qui veulent bien faire, qui s'efforcent de tenir la ligne la plus raisonnable possible, à Ruffin par exemple, qui  sur la Palestine apparaît comme courant après tous les trains, toujours avec un temps de retard. Pour ne pas parler de Glucksmann qui s'est prononcé quelques heures plus tôt pour l'évacuation de Sciences Po par la police , révélant son ethos profond. 

Le seul qui surnage à la tornade Rima, comme d'habitude, est Mélenchon, à coups d'énormités parfois (le président de l'université de Lille, qui a interdit sa conférence commune avec Rima Hassan, comparé à Eichmann dans la "banalité du mal"), mais ces énormités verbales sont après tout à la mesure de la rage qui peut légitimement saisir, devant la monstruosité du massacre en cours à Gaza, jusqu'ici impuni. 

"Importation" : les pro-israéliens, toute la journée de vendredi, sur tous les écrans, n'avaient que ce mot à la bouche, comme si l'occupation de Sciences Po par les étudiants défenseurs de la cause palestinienne n'était qu'une réplique parisienne paresseuse et sans imagination de l'occupation de Columbia à New York, et de dix, quinze autres campus américains. Sans voir cette évidence que oui, la cause palestinienne est la cause des causes, contagieuse sans aucun doute, mais celle qui rassemble aujourd'hui toutes les jeunesses progressistes du monde, et qu'elle est donc, à long terme, invincible. 

A commencer par la victoire de Sciences Po. Car les occupants, vendredi soir, dans l'immédiat, au terme d'une journée de négociations, ont gagné. Les sanctions contre les auteurs de l'occupation précédente sont levées. L'administrateur provisoire Jean Bassères a promis un débat, ou plus précisément un "town hall", (concept encore flou en France, manifestement "importé" lui aussi) dans lequel "toutes les revendications" pourront être discutées. "Toutes", c'est à dire, si on lit bien, aussi la question explosive de "l'investigation des partenariats de l'école avec les universités et organisations soutenant l'Etat d'Israël".

La droite pro-israélienne gronde. Rendez-nous les Insoumis de souche ! "Rima Hamas (sic) va manger tous les cadres de souche LFI...les choses intéressantes commencent enfin" tweete l'activiste d'extrême-droite Damien Rieu, avec une sombre jubilation. L'autre jour, sur CNews Pascal Praud déplorait l'éclipse médiatique de la tête de liste LFI Manon Aubry, une gauchiste peut-être, mais au moins avec elle on pouvait parler. Les temps changent, chantait au siècle dernier un activiste américain, pas mal exporté, lui aussi...










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