Rafah : les émotifs, et les autres

Daniel Schneidermann - - Obsessions - 146 commentaires

L'émotion est mauvaise conseillère. Après le bombardement israélien dimanche dernier sur un camp de réfugiés palestiniens à Rafah, qui a causé au moins 45 morts brûlés vifs, un twittos émotif nommé Emmanuel Macron s'était déclaré lundi "indigné", n'hésitant pas à tonner : "les opérations israéliennes doivent cesser".  Heureusement, dès mardi, le chef de l'Etat français le recadrait, assurant que la reconnaissance par la France d’un Etat palestinien n’était pas un "sujet tabou", mais qu’elle devait intervenir "à un moment utile" et pas sous le coup de l’"émotion".

Le président français a raison de ne pas emboîter le pas à ces fragiles émotifs que sont ses homologues espagnol, irlandais et norvégien, qui ont décidé ensemble, mardi, de reconnaître l'Etat de Palestine. Rien de plus contre-productif que l'émotion. 

Considérons les faits, rien que des faits. Réagissant, mardi, à ce bombardement israélien qui a causé 45 morts brûlés vifs, dont de nombreux enfants, certains décapités, un émotif nommé John Kirby a déploré une "perte horrible de vies humaines". Heureusement, son homonyme, porte-parole du conseil de sécurité nationale américain, a assuré pour sa part que la Maison Blanche ne voyait toujours pas d’"opération terrestre majeure" israélienne contre Rafah.  "Une opération terrestre majeure, ce seraient des milliers de militaires" agissant "de manière coordonnée contre plusieurs objectifs sur le terrain" a précisé ce haut responsable. "Les Israéliens ont dit qu’ils utilisaient [à Rafah] des bombes de 37 livres", soit environ 17 kilos, "des munitions guidées de précision", a-t-il encore assuré, précisant : "37 livres, ce n’est pas une grosse bombe. Si c’est cela qu’ils utilisent, cela indique certainement un effort pour être ciblé et précis"

Pour sa part, son collègue le porte-parole du département d’Etat, Matthew Miller a déclaré que les Etats-Unis attendaient les résultats de l’enquête de l’armée israélienne qu’ils souhaitent "rapide et transparente". "Nous allons attendre les résultats de l’enquête avant de porter un jugement, ce qui me semble tout à fait approprié dans l’attente d’avoir tous les éléments", a-t-il précisé. Soyons complets. Il a souligné que les Etats-Unis continueront "à insister auprès d’Israël sur son obligation de se conformer pleinement au droit humanitaire international, de minimiser l’impact de ses opérations sur les civils et de maximiser le flux d’aide humanitaire vers ceux qui en ont besoin".

Soucieuse d'établir les faits dans toute leur précision pour permettre aux chefs d'Etat de ne pas réagir sous le coup de l'émotion, l'armée israélienne, la plus éthique du monde, n'a pas tardé à livrer sa version. Olivier Rafowicz, porte-parole francophone, a assuré que "le camp [de déplacés] n’a pas été attaqué ni bombardé" et qu’"un incendie s’est propagé dans le camp [dont la raison] aujourd’hui est en train d’être vérifiée. Peut-être, effectivement, qu’il s’agit de débris de munitions qui sont des missiles précis ou qu’il y avait dans le camp des armes, des munitions et du carburant du Hamas", a déclaré cet officier précis. Quant aux deux membres du Hamas visés par ce non-bombardement aux missiles allégés, ils ont été tués « à des dizaines de mètres de ce camp-là » par une autre "frappe ciblée", assure M. Rafowicz. Soyons complets : le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahu, a déclaré qu’il s’agissait du résultat d’une "erreur tragique".

Hélas, qu'attendre d'autre des Espagnols, danseurs de flamenco, que des réactions précipitées ? Le ministre des affaires étrangères israélien, Israël Katz, ne leur a pas envoyé dire, accusant ces émotifs irresponsables d’être « complices » des « appels au génocide » des Juifs.

Quoi d'autre ? L'ex-candidate républicaine à la Maison Blanche Nikky Haley a été photographiée dédicaçant un missile israélien, avec l'inscription "finish them". Soyons complets : on ne sait pas si l'ancienne ambassadrice US aux Nations-Unies visait les réfugiés de Rafah, ou aux combattants du Hezbollah, au Liban. Une enquête "rapide et transparente" est en cours.



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