Les danseurs de Jérusalem

Daniel Schneidermann - - Obsessions - 98 commentaires

Et à la fin de la conférence ils dansèrent. Et l'image de cette danse parcourut le monde. Ils étaient heureux. Ils avaient bien conféré. Dansez maintenant !

Il faut lire le reportage du Monde sur cette conférence de Jérusalem, le 28 janvier, prônant et organisant la recolonisation juive de Gaza, à laquelle ont participé onze ministres du gouvernement Netanyahu, et 15 parlementaires du Likoud. Ces participants considèrent que depuis le 7 octobre, les Palestiniens ont "perdu le droit" de vivre dans l'enclave et réclament leur "transfert" sous la contrainte. Et revoici le Congo !

Outre, notamment, les ministres danseurs Itamar Ben Gvir (Sécurité nationale) et Shlomo Karhi (communications), il y avait là des milliers d'hommes, de femmes, d'enfants. Les enfants offraient leurs sourires aux photographes. Le Monde : "Jamais depuis les attaques du Hamas, le 7 octobre, un évènement si festif, si ostensiblement joyeux n’avait eu lieu en Israël".

"De jeunes filles, raconte encore Le Monde, distribuent des vues en trois dimensions des futures potentielles implantations à Gaza, sous une immense carte de l’enclave. Les applaudissements les plus nourris accompagnent les projections de vidéos tournées par des soldats eux-mêmes dans Gaza, affirmant qu’« il n’y a pas de civils innocents » et promettant la reconquête de l’enclave. Certaines de ces images ont été projetées début janvier dans la salle d’audience de la Cour internationale de justice de La Haye, par les avocats de l’Afrique du Sud à l’appui de leur plaidoirie, accusant Israël de commettre un génocide à Gaza".

On a bien lu : les danseurs ont projeté les mêmes vidéos, produites par l'Afrique du Sud à La Haye. Netanyahu, au moins, dira-t-on, n'assistait pas à la projection. Gloire au modéré Netanyahu ! Non. Netanyahu se déploie sur un autre front. Le jour même où la Cour Internationale de La Haye enjoignait à Israël de "prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide à l’encontre des membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza", Netanyahu répliquait en produisant les résultats d'une enquête israélienne, selon lesquels douze salariés de l'agence onusienne pour les réfugiés palestiniens l'UNRWA avaient participé aux massacres du 7 octobre (enquête qui a fuité dans le Wall Street Journal).  L'UNRWA les a immédiatement licenciés. Les bailleurs de fonds occidentaux de l'UNRWA réclament des enquêtes indépendantes, auxquelles on souhaite bonne chance, Israël contrôlant toutes les entrées à Gaza. Rappelons que toute l'aide humanitaire aux Palestiniens passe par l'UNRWA. Etrangler l'agence serait sûrement une manière originale de prévenir tout génocide.

Quant aux Onze, Netanyahu s'est contenté d'estimer qu'ils "avaient droit à leurs opinions". Ainsi sans doute prend-il "toutes les mesures en son pouvoir..." Etc.

Qu'en dites-vous, de cette danse et de ces danseurs, grandes consciences juives d'ici et maintenant ? Que dites-vous bergers du troupeau, Horvilleur, Korsia, Yonathan Arfi ? Quels seront vos mots pour condamner cette racaille génocidaire, qui se moque bien des avertissements internationaux, qui se moque même des otages israéliens, dont vous placardez les photos sur les murs de Paris ? Que dites-vous Macron, Attal, Séjourné, et Braun-Pivet l'inconditionnelle ? Pouvez-vous une seconde détourner l'œil des tracteurs ? 

Pardon j'oubliais. Le porte-parole adjoint des Affaires étrangères a fortement réagi : la France "attend des autorités israéliennes une dénonciation claire de ces positions" (mais pas la mise à pied des Onze). Et à Washington où tout se décide, où un mot suffirait pour arrêter les criminels on se déclare "troublé"

Jusqu'à quand l'Occident va-t-il laisser cette racaille souiller la mémoire de millénaires de judaïsme pieux, d'observance paisible de la Loi, cette loi dont le cinquième article, sauf erreur, est Tu ne tueras point ? Lors d'une autre conférence, en 1942, sur les rives enchanteresses d'un lac berlinois, les organisateurs, au moins, n'avaient pas amené les enfants, ni convoqué les photographes, ni dansé à la fin. 



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