Gaza sur France Info : le courage par les faits
Élodie Safaris - - Médias traditionnels - Les énervé·es - 54 commentaires
"Wow, le courage a un visage. Merci madame !"
; "C'est incroyable d'entendre ça sur une télé française, vraiment une sensation étrange"
; "Comme cela fait du bien !"
. De quoi peuvent donc bien se féliciter ces internautes en commentaire d'un extrait de France Info, partagé cette semaine sur X ? D'une séquence purement factuelle d'environ trois minutes lors de laquelle la journaliste Aude Soufi présente les informations récentes à propos des massacres à Gaza, et des réactions internationales.
Repérée par le compte @D_La_Sequence, elle a ensuite été reprise par @caissesdegreve qui a partagé l'intégralité de la chronique de la journaliste. Il est environ 8h30 ce 22 juillet lorsque la présentatrice de la matinale de France Info, Leïla Salhi, "lance" sa collègue : "Quand le gouvernement israélien décidera-t-il d'arrêter son offensive à Gaza ? De toute évidence, ce n'est pas pour tout de suite, malgré la pression internationale"
.
"Est-ce que le gouvernement israélien cherche à les invisibiliser ?"
Aude Soufi évoque alors l'offensive terrestre à Deir al-Balah, malgré le fait que "les familles d'otages avaient demandé que cette opération n'ait pas lieu, craignant pour la vie des 22 otages qui sont toujours détenus dans l'enclave"
. "Requête ignorée par le gouvernement israélien, comme, d'ailleurs, celle de la communauté internationale"
enchaîne la journaliste avant d'évoquer l'autre info du moment sur Gaza : une "déclaration conjointe de 25 pays dont la France
[signée désormais par 30 pays]. "Les 25 États dénoncent le meurtre inhumain de civils, y compris d'enfants qui cherchent à satisfaire leurs besoins les plus élémentaires en eau et nourriture"
poursuit Soufi, en citant la dite déclaration.
"Alors les mots sont forts mais cela ne fait pas réagir le gouvernement israélien ?"
relance Leïla Salhi. "Non, comme d'habitude depuis 21 mois, le discours est toujours le même : c'est le Hamas qui est le seul responsable de la poursuite de la guerre et des souffrances des deux parties, c'est ce que dit le ministère israélien des affaires étrangères dans un communiqué"
. "Ce qui est faux,
poursuit la journaliste spécialisée sur les questions internationales, puisqu'il y a eu un accord de trêve conclu entre Israël et le Hamas. il est entré en vigueur en janvier, prévoyait dans une deuxième phase la libération des otages en échange d'un retrait israélien de Gaza, sauf que c'est le gouvernement israélien, qui a décidé de ne pas respecter les termes de cet accord, de bloquer l'entrée de l'aide humanitaire à partir du début mars"
. Elle enchaîne sur les "8 200 personnes de plus"
tuées depuis et rappelle le "bilan total"
de "59 000 Palestiniens tués depuis 21 mois".
"Pourtant, on les voit de moins en moins ces victimes, est-ce que gouvernement israélien cherche à les invisibiliser ?" relance
la présentatrice, pointant un sujet maintes fois traité par ASI, mais rarement (voire jamais) formulé aussi clairement sur un plateau TV. "Oui parce que depuis 7 octobre, les médias internationaux n'ont pas accès à la bande de Gaza",
explicite Aude Soufi, o
n dépend des journalistes palestiniens qui sont ciblés par l'armée israélienne, qui se font tuer en grand nombre".
Ici encore, la journaliste se contente toujours d'énumérer des faits, rapportés par des enquêtes journalistiques comme celles de Forbidden Stories, et dénoncés régulièrement par Reporters Sans Frontières.
"Près de 200 ont trouvé la mort depuis 21 mois et ceux qui sont toujours en vie sont à bout de force"
complète la journaliste international de France Info. "Ils voient ce qu'il se passe tous les jours, moralement c'est très dur, leurs familles sont impactées,
et puis eux-mêmes sont touchés par les problèmes d'approvisionnement en eau",
poursuit-elle avant d'évoquer le récent communiqué de l'AFP dénonçant "cette situation"
et expliquant "que leurs reporters meurent de faim".
“En 2025, en France, on félicite des journalistes car ils font un travail de journaliste”
Sur X, les commentaires sont quasi-unanimes. Aude Soufi est remerciée et décrite comme "l'une des très rares journalistes télé qui pourra se regarder dans une glace".
Avec Leïla Salhi, elles sont qualifiées de "
vraies journalistes pas corrompues"
. Certains ironisent : "Ivre, un journaliste énonce des faits documentés et démonte méthodiquement la propagande de guerre"
. D'autres restent critiques : "France Info
se réveille après 20 mois de génocide. On viendra quand même vous chercher quand il faudra juger les complices"
.
Des internautes réalisent tout de même l'incongruité de la chose : "
En 2025 en France on félicite des journalistes car ils font un travail de journaliste"
. Car le plus intéressant dans cette séquence, ce n'est pas tant son contenu. Aude Soufi - qui confie à ASI avoir déjà produit des interventions plus "éditorialisées"
sur la question - ne fait que rappeler des informations que de nombreux autres médias français ont également traitées (offensive terrestre à Deir al-Balah, déclaration commune des ministres des Affaires étrangères de 25 pays, communiqué de l'AFP sur ses journalistes mourant de faim) et que Le Parisien a, par exemple, également compilé dans un seul et même article.
Ce sont les réactions qu'elle provoque (y compris chez l'autrice de ces lignes) qui disent le plus du traitement médiatique de Gaza. Et de toutes les autres séquences auxquelles les médias, télévision en tête - service public compris -, nous ont habitués depuis 21 mois : euphémismes et minimisations (comme encore ce lundi sur LCI), biais pro-israéliens (comme encore ce mardi sur BFM), invisibilisations (comme encore il y a quelques semaines), et indifférence générale face au sort de nos consoeurs et confrères (comme depuis le début du génocide).
En revanche, nous sommes si peu habitué.e.s à voir les journalistes de plateau rappeler qu'Israël rompt les cessez-le-feu, ment quotidiennement, remettre en question ses éléments de propagande, que lorsqu'un.e journaliste le fait, particulièrement à la télévision, on se pincerait presque pour y croire.