"Complément d'enquête" : la droite au secours du Puy du fou

Paul Aveline - - Coups de com' - Les énervé·es - 41 commentaires

Le 7 septembre, France 2 consacrait un numéro de Complément d'enquête au Puy du Fou et à son tout puissant créateur, Philippe de Villiers. Une diffusion qui a déclenché une levée de boucliers gaulois dans les médias estampillés Bolloré… mais pas que. Le 7 septembre au matin, avant même la diffusion de l'enquête, c'est le Figaro, sous la plume d'Eugénie Bastié, fan du Puy devant l'éternel, qui sonne le tocsin : "Enraciné, non capitaliste, antiwoke, moderne sans être progressiste, préférant la pierre au plastique et les chevaliers à Mickey, le Puy du Fou est l'anti-Disney." Bingo. Un détail : Eugénie Bastié ne mentionne jamais Complément d'enquête. Tout juste évoque-t-elle les "reportages à charge" dont le parc fait l'objet. Les lecteurs du Figaro n'en sauront pas plus. Et pourtant, à lire la ligne de défense choisie par Bastié, on devine qu'elle a entrevu le Complément qui doit être diffusé le soir-même : "Le bénévolat local est au cœur du succès du parc. […] Ce réseau familial et local est l'âme vivante de ce parc qui fait qu'il ne ressemble à aucun autre au monde." Une question, la légalité de ce recours massif au bénévolat, qui est au cœur de l'enquête de France 2. 

Deuxième angle, la Vendée, "une terre marquée par le martyre sur lequel Philippe de Villiers a levé l'omerta, anticipant dans les années 1970 les travaux des historiens qui se pencheront sur l'histoire oubliée d'une Vendée persécutée par la Révolution." Là encore, le sujet est important dans le Complément, qui interroge des historiens sur la vision portée au Puy du Fou, notamment en ce qui concerne ce que Philippe de Villiers appelle le "génocide vendéen", notion contestée par des générations de spécialistes, et encore une fois dans le documentaire de France 2. 

Voilà pour l'amuse-bouche. Car le plat de résistance va être servi par les médias de Bolloré jusqu'à satiété le lendemain de la diffusion. Le 8 septembre au petit matin, Geoffroy Lejeune, nouveau patron du JDD, se lâche sur X (ex-Twitter) : "Jamais vu un doc aussi médiocre, idiot, honteux, consternant, méchant, gratuit, menteur et hors sol."

Dans la matinée, Nicolas de Villiers, fils de et président du Puy du fou, est invité de l'Heure des pros sur CNews. Pascal Praud s'efforce de mettre son invité à l'aise en fustigeant les "docteurs guillotins du service public" qui ont osé s'en prendre au parc d'attraction, et reconnaît à demi-mots… n'avoir pas vu le documentaire. "Tant mieux, vous n'avez rien loupé", répond de Villiers. La chaîne ne s'arrête pas là. Hasard du calendrier sans doute, CNews diffuse également un reportage dans le parc, où l'affluence ne baisse pas malgré "la fin des vacances". Synergie de groupe oblige, qui retrouve-t-on sur Europe 1 deux heures plus tard, même costume, même coiffure ? Nicolas de Villiers. Et qui l'interroge ? Pascal Praud. Astucieux quand on a la flemme de préparer deux émissions le même jour. Mais cette fois, Praud l'affirme : "Nous étions devant notre poste, et nous avons vu ce Complément d'enquête."

Un peu plus tôt, Europe 1 avait déjà lancé la journée spéciale Puy du fou avec… Eugénie Bastié. Dans son édito matinal, la journaliste du Figaro s'interrogeait : "Pourquoi tant de haine" contre le Puy du fou ? Et ce n'est pas fini. Le même jour, Mathieu Bock-Côté, notre réac' québécois préféré, signe sur le site du Figaro (décidément) une tribune qualifiant Complément d'enquête de "déshonneur du service public". Dans la foulée, Front populaire, le média de Michel Onfray, publie un édito signé du cocréateur du site Stéphane Simon. "Sur la forme, rien à dire, c'est toujours la même rengaine avec ce genre de magazine : les musiques de suspense, les effets sonores agissent comme des cache-misères du propos, écrit-il. Et l'essentiel, c'était un procès stalinien sous l'égide du commissaire Tristan Waleckx." Au même moment, le site d'extrême droite Boulevard Voltaire signe une violente charge contre le service public, glissant au passage son aversion pour le nouveau programme de France Télévisions, Drag race France : "Autant de paresses intellectuelles, de réflexes conditionnés, d'inculture patente devraient inciter France Télévisions à se concentrer sur ce qu'elle sait faire avec la redevance publique : les émissions de drag queen en prime time." 

À ce stade, on pourrait croire que tout a été dit. Mais non ! Mathieu Bock-Côté, encore lui, en remet une couche sur – roulement de tambour – CNews ! Un édito accompagné d'un bandeau "Puy du fou : pourquoi tant de haine ?". Les synergies sont là, mais pas encore tout à fait acquises : c'est exactement le titre choisi par Eugénie Bastié pour son édito de la veille sur Europe 1.  

Ainsi va la vie dans les médias du groupe Bolloré. On s'invite, on se pique les idées, on répète la même chose pendant des jours jusqu'à ce que ça rentre. Bouquet final : deux pages dans le JDD du 10 septembre, sous la plume de Charlotte d'Ornellas (aussi éditorialiste chez CNews et sur Europe 1). L'article est accompagné d'une tribune de Michel Onfray. La boucle est bouclée. Enfin presque. Le directeur de la communication du Puy du fou n'est pas n'importe qui. Il s'agit de Bastien Lejeune, ancien de Valeurs Actuelles et frère de Geoffroy Lejeune, actuel directeur de la rédaction du JDD, qui a l'honnêteté de le préciser dans ses pages. Philippe de Villiers peut dormir tranquille, sa garde rapprochée veille au grain.


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