Zemmour : l'impuissance des institutions
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 93 commentaires
En s'adressant en septembre 2019 à une "convention des droites" organisée par Marion Maréchal-Le Pen, Eric Zemmour n'avait donc, ni injurié, ni provoqué à la haine contre les musulmans "dans leur ensemble"
. Ainsi vient de décider la Cour d'appel de Paris, qui a relaxé le polémiste d'extrême-droite, condamné par le tribunal correctionnel qui, estimant le contraire, l'avait condamné en 2020 à 10 000 euros d'amende. Dans les motivations de son arrêt, la Cour a jugé qu' "aucun des propos poursuivis ne vise l'ensemble des Africains, des immigrés ou des musulmans mais uniquement des fractions de ces groupes". "Il n'est nullement justifié de propos visant un groupe de personnes dans son ensemble en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, a ajouté la Cour, d'où il suit que les infractions poursuivies ne sont pas constituées."Ayant consacré à cette réunion deux articles (ici et ici), il me parait juste que nous fassions état de cette décision de relaxe. Une nouvelle condamnation ne s'ajoutera donc pas aux deux condamnations définitives de Zemmour (contre six décisions de relaxe).
La chaîne LCI peut souffler. Diffusant ce discours en intégralité et en direct, et suscitant la réprobation de sa rédaction, elle avait reconnu "une erreur de format"
. Zemmour peut souffler. Estimer que "les immigrés (...) se comportent en colonisateurs"
; établir "une continuité entre les vols, viols, trafics, jusqu'aux attentats de 2015"
; assurer que "ce sont les mêmes qui les commettent pour punir les koufars, les infidèles" ; j
uger que "dans la rue les femmes voilées et les hommes en djellabahs sont une propagande par le fait, (...) comme les uniformes d'une armée d'occupation rappellent aux vaincus leur soumission"
n'est pas pénalement répréhensible. Appeler les jeunes Français à "se battre pour leur libération"
n'est pas pénalement répréhensible (au moins jusqu'à une éventuelle cassation de cet arrêt d'appel). Pour ceux qui ne feraient pas confiance à mes points de suspension, l'enregistrement intégral est ici.
Dans la même journée d'hier, deux ans après que ce discours a été prononcé, et sans lien apparent avec la décision de justice, le CSA vient d'appeler les chaînes de télévision à comptabiliser désormais le temps de parole d'Eric Zemmour, considéré comme "un acteur du débat politique national"
. Deux ans de sage réflexion d'un côté, et de l'autre un judicieux découpage au scalpel des sujets et des compléments : certainement accidentelle, la concomitance de ces deux décisions démontre de manière éclatante l'impuissance juridique et institutionnelle, face aux provocations à la haine par les médias de MM. Bouygues et Bolloré.