Victoire et souffrances dans l'hôtellerie

Daniel Schneidermann - - (In)visibilités - Le matinaute - 49 commentaires

Rachel Keke est une des porte-parole des femmes de chambre en grève de l'hôtel Ibis Batignolles, à Paris, qui viennent de sortir victorieuses après 22 mois de grève. Elle est l'invitée de l'émission quotidienne À l'air libre, sur Mediapart. Elle raconte à Valentine Oberti les 17 minutes pour "faire une chambre", parfois même "peut-être 20 minutes, 25 minutes", quand les clients "ne respectent pas le métier des femmes de chambre, mangent n'importe comment". Entre autres acquis de la grève, elles seront désormais payées à l'heure, et non plus à la chambre. C'est un total succès sur la direction du sous-traitant STN, succès remporté par une section CGT dont les méthodes étaient pourtant controversées au sein même du syndicat, comme l'avait longuement raconté Mediapart.

Mais l'heure est à la joie, et au récit de la lutte. "On était obligées de tenir face au groupe Accor, raconte Rachel Keke. On était dans le froid, on se disait mais pourquoi ils sont sourds, le groupe Accor, qu'est-ce qu'on a fait de méchant ? À un moment, on était découragées. J'avais dit à Sébastien Bazin (PDG du groupe Accor, NDR) « Les femmes de chambre de l'hôtel Ibis vous tiennent la cravate. Tant que vous ne donnez pas leurs revendications, on ne lâchera pas la cravate. » Donc aujourd'hui sa cravate a été lâchée."

Dans le cours de l'émission, Mediapart rediffuse un court extrait d' une matinale de France Inter qui, en octobre dernier, avait invité le PDG Bazin au "grand entretien". La grève était déjà en cours, mais le sujet central était le confinement, et ses conséquences sur l'hôtellerie. Car l'hôtellerie "souffrait"Demorand : "Dans quel état d'esprit êtes-vous ce matin ?" Salamé : "Les hôtels en ville sont-ils plus touchés qu'à la campagne ? Quels sont les hôtels qui souffrent le plus ?" Et les pays ? "Quels sont les pays qui souffrent le plus ?" Sans parler de la souffrance indicible de sortir du CAC40.  Salamé : "symboliquement, qu'est-ce que ça veut dire de sortir du CAC 40 ?"

Et les femmes de chambre ? Le conflit n'avait été abordé que par l'appel d'une auditrice, Malika, femme de chambre en grève :  quand la fin de l'esclavage moderne dans le groupe Accor ?" Bazin : "STN est à genoux. Eux aussi souffrent terriblement". Alors, pas de solution au conflit ? Si si. On cherche, racontait alors le PDG. "On essaie de convaincre certains clients d'avoir leur chambre nettoyée seulement un jour sur deux, dans des conditions de rémunération identique." Salamé, inquiète : "Ce serait acceptable, pour les clients ?" Car attention, on allait oublier la souffrance des clients.


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