Une priorité : reprendre le FMI !

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 107 commentaires

Télécharger la video

Télécharger la version audio

Chacun ses impasses. L'autre jour, après ma chronique

sur la découverte par le FMI que l'austérité était finalement plus nocive que prévu, je reçois un mail de Pascal Riché, de Rue89 : "eh Daniel, ce papier a dû t'échapper. Sinon, très bonne année à toi." En effet, il apparaît que dès le 11 octobre 2012, Rue89 avait mis le doigt sur le revirement des économistes du FMI. Et en effet, ça m'avait échappé. Dont acte. Pan sur le bec. Tout ce qu'on voudra. Gloire à cet article de Rue89 du 11 octobre 2012.

La réaction (légitime) de Riché est représentative de la réponse que font fréquemment nos confrères, quand il nous arrive, ici, de souligner la sous-médiatisation de tel ou tel événement qui nous semble important. "Quoi ? Vous nous accusez d'omerta ? Mais pas du tout ! Regardez notre article, visionnez notre journal, du 11 octobre 2012, à 20 heures 23 : on a bien traité le sujet sur lequel vous nous accusez de conspiration du silence. Alors, hein, vous êtes bien eus, les boeufs-carottes !"

Que répondre ? Que sous-médiatisation ne veut évidemment jamais dire non-médiatisation. Oui, la presse a toujours traité tous les sujets, un jour ou l'autre, à un moment ou à un autre. Mais souvent, sans en explorer toutes les conséquences, sans les relier à d'autres éléments d'actualité. Prenez ce revirement du FMI : franchement, ne mérite-t-il pas davantage qu'un article dans un coin, aussitôt enseveli sous l'avalanche de l'actualité quotidienne ? À la vérité, c'est chaque fois qu'il est question de l'austérité, et de ses multiples conséquences dans tous les domaines, que ce rappel, en quelques lignes de contextualisation, serait salutaire et pertinent.

Cette remarque s'adresse évidemment d'abord aux politiques. Je pense, en France, aux mélenchonniens, et en tout premier au premier des mélenchonniens, Mélenchon lui-même. Ah, Mélenchon, l'autre soir, quand Cahuzac vous a collé sur France 2 avec le taux de CSG, que ne l'avez-vous collé vous-même, en retour, avec le coefficient multiplicateur du FMI ? J'attendais. Je trépignais. Pas possible, il va bien finir par lui sortir le FMI. Il se réserve pour le bon moment, pour la fin de l'émission, le coup qui tue. Rien. Rien qu'une pauvre allusion, dans une phrase interminable, passée inaperçue de tout le monde (l'équivalent, en somme, du désormais célèbre article du 11 octobre 2012).

Et la presse ? Pourquoi ne commencerait-elle pas à faire le boulot ? Les occasions sont pluriquotidiennes. Prenez par exemple un article sur les réticences de nombreuses municipalités à appliquer la semaine scolaire de quatre jours. On écrit en général : "Le maire de Trucmuche-les-Oies est réservé. Il souligne que la réforme le conduirait à créer une centaine de postes." Ne pourrait-on pas écrire, par exemple : "Le maire de Trucmuche-les-Oies est réservé. Il souligne que la réforme le conduirait à créer une centaine de postes. Une chance inespérée pourtant pour la commune, selon les économistes du FMI, qui considèrent que les politiques d'austérité sont un facteur de récession." L'information ne serait-elle pas ainsi plus complète ?

L'autre soir, sur le plateau de Canal+, Aurélie Filippetti défendait vigoureusement les coupes qu'elle va effectuer dans le budget de la Culture. "C'est la crise, et il est normal que mon budget prenne sa part des efforts nécessaires, etc." À cet instant, Aphatie n'eût-il pas dû se dresser et, avec la faconde qu'on lui connaît, interrompre la ministre de la Culture : "Mais enfin, Madame Filippetti, avez-vous lu les économistes du FMI ? Pourquoi conspirez-vous ainsi contre la reprise dans notre pays ? Savez-vous que les politiques d'austérité, etc." ? Mais non. Rien. Pas mieux que Mélenchon. À désespérer des meilleurs.

Lire sur arretsurimages.net.