Une nouvelle pathologie, l'hypersarkomanie
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 48 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Thomas Thévenoud restera peut-être dans l'histoire comme le patient zéro (et le découvreur) d'une nouvelle maladie : la phobie administrative.
C'est Le Monde qui avance l'hypothèse, dans son magazine hebdomadaire, et dans un des articles les plus partagés du week-end, sur le site du quotidien (ce qui est certainement aussi le symptôome de quelque chose). Depuis l'affaire Thévenoud, parait-il, des réalisateurs, des éditeurs, des scénaristes, des écrivains, collent enfin un nom sur leurs réticences à payer leurs impôts et leurs PVs. Cette phobie a même donné un nouveau souffle à la profession de "concierge de luxe" (le gars qui vous organise vos vacances au bout du monde, et ouvre vos enveloppes à votre place). D'ailleurs, l'auteur du Que sais-je sur les phobies se propose de rajouter quelques lignes, dans la prochaine édition, sur la "phorophobie" (du grec phoros, tribut, impôt). Cette avancée médicale considérable est évidemment de nature à amener à reconsidérer le fameux "ras-le-bol fiscal", tel qu'il ressort de manchettes du Monde, ou d'émissions truquées de TF1 : c'est mé-di-cal !
L'invention de la phorophobie s'inscrit parfaitement dans une époque, qui ripoline d'appellations médicales toutes sortes de violences politiques et sociales, ou de manies inoffensives. Une époque qui rebaptise la lutte des classes "harcèlement moral", et qui considère que les sinistrés d'une tempête ont davantage besoin de "cellules psychologiques" que de réparations matérielles. Quelle est la différence entre l'hyperphagie et la gourmandise ? Entre "le trouble compulsif d'entassement", et le fait d'accumuler des ojets inutiles ? Nul doute que la "prorophobie" fera son entrée dans le DSM 6, quand il succédera au DSM 5, pour le plus grand bonheur des labos pharmaceutiques, qui trouveront sûrement une solution.
Tant qu'à faire, il faudrait aussi trouver un nom pour l'attraction exercée, sur les journalistes politiques et leurs confrères des chaînes d'info continue, par tout ce qui touche à Nicolas Sarkozy. Par les fuites et les rumeurs annonçant le retour de Nicolas Sarkozy. Par les questions à toute la classe politique sur déclarations de Nicolas Sarkozy, au détriment de tout autre sujet. Par les hypersensibles aux trouvailles de vocabulaire de Nicolas Sarkozy. On n'aura pas résolu le problème, mais on l'aura nommé. Certes, à la différence d'Ebola, le mal semble pour l'instant circonscrit aux deux populations précitées, et la majeure partie de la population semble immunisée depuis la dernière grande épidémie, mais on n'est à l'abri de rien.
Phobie administrative, par Google images