Trump et le climat : le pire n'est (peut-être) pas (tout à fait) sûr
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 30 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
C'est la nouvelle qui devrait logiquement faire la Une de tous les journaux du matin :
Trump a signé un "ordre exécutif" annihilant les mesures Obama de fermeture des vieilles centrales thermiques polluantes. Traduction en langage simple : les Etats-Unis se retirent de la lutte contre le changement climatique. De toutes leurs forces, ils se préparent à devenir un frein, dans le combat contre ce que le candidat Trump appelait "'un canular chinois" (le réchauffement). La nouvelle, donc, devrait faire la Une, si les radios du matin n'étaient toutes tournées vers ce suspense insoutenable : Valls va-t-il soutenir Macron ? (Si vous avez raté la réponse, c'est oui. Et Macron a immédiatement répondu qu'il "ne gouvernerait pas avec lui'.)
Comme chacun des actes de Trump depuis son entrée en fonction, celui-ci est d'abord symbolique : c'est la magnifique image de cette signature devant un groupe de fiers mineurs (néanmoins convoqués sans leurs lampes et leurs combinaisons), dont on va préserver les emplois, grâce au "magnifique charbon propre". Pour le reste, explique Le Monde, la suppression du plan Obama (dont le journal rappelle incidemment qu'il n'est "jamais entré en application") risque d'être longue. En résumé, Trump annule virtuellement un plan qui lui-même était resté virtuel. Annulation qui peut encore, comme celle de l'Obamacare le week-end dernier, se transformer en déroute politique bien réelle, quand il faudra véritablement le traduire dans la loi.
Comme d'habitude, le pire n'est donc pas certain. Du reste, est-ce bien le pire ? Logiquement catastrophé, le New York Times déplore que les Etats-Unis se trouvent ainsi privés par Trump de leur rôle durement gagné de "leader mondial" de la lutte contre le changement climatique, après avoir déployé "des efforts incessants" pour amener la Chine et l'Inde à ratifier l'accord de Paris. Un vertueux Obama tirant par la manche la Chine et l'Inde empuanties : en matière de lutte contre le changement climatique, l'occident n'en finit pas de se tendre à lui-même cette image complaisante. Mais à quelle réalité correspond-elle ? La presse occidentale, New york Times en tête, s'imagine-t-elle que les dirigeants chinois ont besoin de l'hôte de la Maison Blanche, pour prendre conscience de la pollution qui empoisonne leurs villes, et nourrit des mouvements sociaux de plus en plus difficiles à réprimer ? Aussi étonnant que ce soit, il parait qu'ils sont en train de s'en rendre compte tout seuls, comme le rappellent parfois, dans nos medias, quelques voix minoritaires. Bref, la signature de Trump, tout en étant un crime contre la planète, n'est peut-être l'avènement indubitable du stupidocène, comme disait l'un de nos récents invités. L'espoir fait vivre.