Trump a eu une maman, comme les autres
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 28 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Comme si c'était fait. J'écris à quelques heures de cette image inimaginable :
Donald Trump prêtant serment sur la Bible, et entrant à la Maison Blanche. "Deux Bibles", précisent les radios du matin. Celle de Lincoln, et celle que lui a offerte sa maman. Car les radios du matin continuent de "faire du journalisme", c'est à dire de raconter des petites histoires, des sympathiques anecdotes de coulisses, qui humanisent les grands personnages. Sur Trump comme sur les autres. Oui, Trump a eu une maman, comme tout le monde. Comme si Trump était un président comme les autres. Le journalisme ne doit pas s'arrêter. Il ne s'arrête jamais. Jamais le journalisme ne s'assoira sur le bord de la route, ne se prendra la tête dans les mains, en se demandant : et maintenant, on fait quoi ?
Il faut donc que ce soient d'autres que les journalistes, qui se posent ces questions, et qui cherchent la piste à tâtons dans le brouillard. Les sociologues, par exemple. Trump n'est pas Arturo Ui, c'est Ubu Roi, estime ce matin dans Libéle sociologue Didier Fassin. Donc, le traiter comme un bouffon, plutôt que comme un fasciste. S'emparer des outils du grotesque, plutôt que de ceux de la tragédie politique. C'est une option. Sans doute la moins mal adaptée. Le rire peut-être libérateur, comme le montre le succès de cette interne insoumise, Sabrina Ali Benali (qui est finalement, oui Patrick Cohen, une vraie interne, vraiment payée par l'AP-HP, comme l'a démontré notre longue et douloureuse enquête).
La vérité, c'est que personne ne parvient pour l'instant à trouver les mots pour dire Trump. On a même du mal à trouver les mots pour expliquer qu'on ne trouve pas les mots. Le registre de la colère, comme Bernie Sanders interrogeant le climatosceptique Scott Pruitt qui va être en charge de la protection du climat ? C'est une possibilité. Ça venge. Ça soulage sur le moment. Mais qu'en reste-t-il ? L'image d'un homme énervé, contre un homme calme. Double tranchant. Ne désespérons pas. On finit toujours par trouver. Comme disent les derniers mots d'Obama à la presse de l'ancien monde, qui l'a tant aimé : "we're going to be OK". Ça finira par aller. L'essentiel, c'est de le croire.