Stéphane Richard, et les séraphins de la presse

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 35 commentaires

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Et dire qu'Orange avait un si bon patron, et que la presse, pudique, n'en disait rien !

Douce musique dominante pour le maintien à son poste de Stéphane Richard, PDG d'Orange, qui vient d'être mis en examen pour escroquerie en bande organisée dans l'affaire Tapie : c'est un bon patron. Ainsi chantent les "employés" de l'inévitable micro-trottoir de France 2, l'autre soir (lesdits "employés" ressemblent davantage à des cadres supérieurs qu'à des vendeurs de boutiques, mais peu importe). Ainsi pianote cet article du Monde, (lien abonnés) titré sur le "large soutien" dont bénéficierait Richard chez Orange. Tout au long, l'auteur, Cécile Ducourtieux, ne cite que des cadres supérieurs ou des cadres. Il faut attendre les deux derniers paragraphes, tout en bas, pour apprendre que la CGT et Sud n'entendent pas se joindre au concert unanime.

Tardive mais délicieuse découverte : un escroc a donc le droit d'escroquer, même en bande organisée, pourvu qu'il soit "un bon patron", apprécié des cadres. C'est un nouveau critère, qu'il importe d'insérer d'urgence dans le code pénal. Au rang des  circonstances atténuantes que dispensent à Richard ses chers amis de l'establishment journalistique, il faut ajouter que seule la séduction intellectuelle a guidé sa prodigieuse carrière. C'est ce qui ressort du portrait enamouré, tout enluminé de séraphins et d'angelots, que brosse de lui Raphaëlle Bacqué, toujours dans Le Monde (et toujours lien abonnés). "Séduit" par l'énergie de Sarkozy, qu'il rallie en 2007, Richard a aussi été "bluffé" par "l'aisance de Dominique (Strauss-Kahn, NDR), son intelligence, et Anne Sinclair". Quelques années plus tôt, il est vrai qu'il avait été "happé par la séduction" exercée par un Dom Juan nommé Jean-Marie Messier. Quelle cruauté, que celle des juges et des policiers, osant poser leurs grosses pattes sales dans un univers si raffiné !

Dans l'emballement actuel de l'affaire Tapie, chaque jour apporte son lot d'informations, vraies ou bizarroïdes. On se réveillait hier au son du "j'ai les sous", exclamation joyeuse attribuée à Tapie, le jour de l'élection de Sarkzoy, par un de ses anciens partenaires d'affaires, Benoit Batherotte. Ledit Bartherotte nuance aujourd'hui : il ne fallait pas prendre la citation au pied de la lettre. Dommage pour tous ceux qui l'ont reprise, et gobée. Aujourd'hui, nouveau rebondissement : on apprend que le Séduit de la crêche, Richard donc, a balancé à la police, pendant sa garde à vue, que Tapie avait assisté à une réunion à l'Elysée, pour mettre sur pied la procédure d'arbitrage. Information nettement plus importante, mais qui fait nettement moins de bruit que celle de la veille. En attendant celle de demain.

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