Sous-marins en Australie : idées reçues et questions indiscrètes

Daniel Schneidermann - - Pédagogie & éducation - Le matinaute - 52 commentaires

Biden ? "Finalement, sous ses airs, il est comme Trump".  Le contrat du siècle ? Transformé en "camouflet du siècle". Le Drian ? "En colère comme on ne l'avait jamais vu". Les Britanniques ? "Comme disait De Gaulle, ils choisiront toujours le grand large plutôt que la vieille Europe". L'Australie ? "Des méthodes de voyous".  L'Allemagne ? "Pas nette, dans cette affaire"

La collision était frontale, hier soir, entre une météorite de la grande géopolitique -la dénonciation brutale par l'Australie de son contrat de fourniture de douze sous-marins par la France au profit d'une alliance avec les Etats-Unis et le Royaume Uni- et les savantes assemblées provincialistes de zemmourologues, de zemmourisés, de zemmourophiles, qui peuplent les plateaux des chaînes d'info privées, soudain forcés à croiser au large de l'Australie, à réviser la différence entre sous-marins à propulsion nucléaire et et sous-marins lanceurs d'engins, et à barboter dans l'Indopacifique. De cette collision, surnageait un mini dictionnaire collaboratif des idées reçues. Mais tiens, qu'en pense Zemmour ?

"Alors, toujours bidenolâtre ?" m'interpelle sur Twitter mon confrère Arnaud Leparmentier, correspondant du Monde. Avant de savoir si je suis toujours "bidenolâtre" (si tant est que je l'aie jamais été) il me semble plus honnête de commencer par énumérer tout ce qu'on ignore. Est-il exact que les Australiens se plaignaient de retards dans le chantier ? Est-il exact que le Premier ministre australien Morrison en avait prévenu Macron lors d'une visite en France en juin dernier ? Est-il exact que la facture a grimpé de 50 à 90 milliards de dollars ? Quand exactement les Américains ont-ils proposé aux Australiens ce "plan B", de livraison de sous-marins à propulsion nucléaire ? Cet accord contrevient-il au traité de non-prolifération ? Les Australiens en étaient-ils vraiment demandeurs, sachant que leurs voisins néo-zélandais les interdisent dans leurs eaux territoriales ? "Dans une démocratie, dit mon excellent confrère Jean-Dominique Merchet, on créerait une commission d'enquête parlementaire, pour savoir et comprendre".

Et puis encore. Ce "camouflet du siècle" éclaire-t-il rétrospectivement le refus de Biden de retarder le retrait américain d'Afghanistan, au motif qu'il souhaitait se concentrer sur la "menace chinoise" ?  Par cette brutalité envers la France, Biden continue-t-il la politique trumpienne "d'America first", ou bien la constitution-express de cette alliance AUKUS contre la Chine marque-t-elle au contraire une rupture avec l'isolationnisme trumpien ?  La Chine avait-elle menacé l'Australie, qui avait demandé l'ouverture d'une enquête indépendante sur les origines du virus du COVID ? Pour sortir du provincialisme et commencer à rassembler des éléments, quelques lectures pour le week-end : une excellente rétrospective de Challenges, parue cinq jours avant le "coup de tonnerre", et qui recense les responsabilités mutuelles des ratés du contrat franco-australien, un article du Brisbane Times sur les oppositions écolos aux sous-marins à propulsion nucléaire, ou cette analyse de The Atlantic, sur le thème "non, Biden n'est pas Trump", et enfin ce rappel par le site "Zone militaire" que la création d'une "OTAN du Pacifique", que préfigure AUKUS, était déjà un projet de Trump. A vous de poursuivre. Suggestions bienvenues dans le forum.



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