Sous l'extrême droite, la droite...
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 57 commentaires
Dans la déambulation à Drancy, orchestrée par les médias Bolloré, du polémiste ultranationaliste Éric Zemmour, un moment a échappé à la plupart des récits et des commentaires. Confronté à un contradicteur insoumis, David Guiraud, à propos de l'âge légal de la retraite, qu'il souhaite reporter à 64 ans, le polémiste multi-condamné pour incitation à la haine, à court d'arguments, lâche une de ces formules qui en ont fait le phare de la pensée Bolloré : "Le travail, c'est la santé"
.
🤔 Eric Zemmour s'est trahi à Drancy.
— David Guiraud (@GuiraudInd) October 25, 2021
Pour justifier d'augmenter l'âge de départ à la retraite à 64ans, "le travail c'est la santé" me dit-il. Je lui rappelle que les français ne travaillent pas qu'en dînant en ville comme lui. A l'usine ou à l'hôpital, 64ans, c'est invivable. pic.twitter.com/R0rDjF8zHi
Cette échappatoire est éloquente. Elle situe bien Zemmour dans son camp naturel : la droite. La droite dite "classique", la droite du grand et du petit patronat et des dividendes (en langue Zemmour on dit "des Français plus aisés"
), la droite qui se lève tôt et travaille plus pour gagner plus, la droite que révulsaient déjà, en 36, les congés payés et les occupations d'usines. Quand on pense que ces gens-là, comme nous, veulent manger du poulet ! Zemmour ne s'en cache d'ailleurs nullement, qui a pour projet de rassembler les électorats filloniste et lepéniste.
L'anecdote me rappelle une date, un peu tombée aux oubliettes : le 30 novembre 1938, deux mois après Munich, deux ans après le Front populaire. La tendance est à la réaction. Terminé les tandems et les accordéons. Le gouvernement radical de Daladier vient de signer des décrets-loi pour "assouplir"
les 40 heures, comme on dit déjà, et en finir avec la semaine de cinq jours. Des occupations d'usine, en réaction, sont durement réprimées. Une grève générale initiée par la CGT se solde par un échec cinglant, surtout à Paris : bus et métros roulent comme à l'habitude, sous la protection massive de la gendarmerie. Alors, dans la presse pré-zemmourienne (Action Française, Gringoire, Je suis partout)
se fait entendre un immense soupir de soulagement : ouf ! Enfin nous sommes délivrés de la pression de la CGT ! Et surgit ce mot d'ordre : maintenant il faut dissoudre le Parti communiste. Qu'attend donc le gouvernement ? Pour une fois, pour un jour, ils en oublient de bouffer du Juif, leur pitance quotidienne. Ils sont rentrés au bercail.
À propos du monde du travail, notre émission de cette semaine, animée par Nassira El Moaddem, portera sur la sous-médiatisation, et la mal-médiatisation, des accidents du travail. En ligne dans la journée, comme d'habitude.