Sondages : producteurs, consommateurs, et dealers
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 80 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Vous savez quoi ? Fillon va arriver en tête au premier tour.
Et écraser Marine Le Pen au second tour. Quant à Hollande, il est dans les choux. Derrière Mélenchon et Macron. Lesquels se tiennent dans un mouchoir. On a les chiffres. C'est un sondage Sofres, c'est dire si c'est sérieux. Et tiens, à l'heure où cette chronique est écrite, en voici un autre, tout chaud. Flash ! Alerte info ! Les Français préfèrent Valls à Hollande. En attendant, demain (flash ! Alerte !), le sondage sur cette proposition "choc" sortie du bonnet du quasi-candidat Hollande, un patrimoine universel. Un emprunt pour tous, garanti par l'Etat. Le père Noël, y croyez-vous un peu, beaucoup, pas du tout ?
Comment donc ? Que grommelle-t-on au fond de la salle ? On ne connait pas encore tous les candidats du premier tour ? On ne sait pas ce que fera Bayrou ? Ni Valls ? Ni si Macron aura ses signatures ? Ni même si la primaire de gauche aura seulement lieu ? Comment donc ? Que dites-vous ? La percée de Fillon est purement mécanique, un effet mécanique de la dynamique de la primaire de la droite ? On ne va pas s'arrêter à ces détails, voyons. Il faut bien que les sondeurs sondent. Que vont bien pouvoir commenter les commentateurs, si les sondeurs ne sondent plus ? Vous voulez tuer le commerce ? Vous trouvez qu'il n'y a pas assez de chômeurs ?
Ils n'ont même pas attendu. Fabricants et dealers de sondages bidon n'ont même pas pris le temps que le rouge de la honte s'efface de leurs fronts, après le crash (pour eux) de l'élection de Fillon, contre tous leurs pronostics (qu'ils savaient faux). Le trafic a repris dans la zone de non-droit, sûr de l'impunité. Dans ce trafic, les plus coupables ne sont pas les producteurs. Les producteurs produisent, dans leurs "instituts", avec la rigueur scientifique digne d'une émission de M6. Mais les autres. Les Dassault, Arnault, Pïnaut, qui achètent en gros et revendent au détail. Ceux qui publient, des grands chefs aux journalistes de base, en passant par l'AFP, qui -hélas !- en fait des dépêches. Et même si, animés par on ne sait quel reste de scrupule, ils ne les diffusent pas, ils les twittent. Amusez-vous, sur le réseau qui gazouille, à chercher qui gazouille sur le sujet "sondage Hollande" : vous y trouverez la moitié des journalistes politiques parisiens, qui sniffent dans leur coin sombre. Celui qui devrait se méfier, c'est Fillon, qui a payé pour savoir ce que vaut la came.
Tweet de l'éditorialiste politique Alain Duhamel