Sexisme en politique : les noms !
Daniel Schneidermann - - (In)visibilités - Le matinaute - 62 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Très bien, l'opération "Bas les pattes",
cette dénonciation massive, par 40 femmes journalistes politiques, des gros lourds mâles qui sévissent encore dans la classe politique, avec leurs regards pesants sur les carnets de notes posés sur les genoux, leurs vannes à dix tonnes, les marchés clés en mains "un apéro une info" et parfois leurs mains carrément baladeuses. Très bien, car le combat, qu'on avait pu croire gagné après l'affaire DSK (nous y avions consacré une émission, et créé ici un dossier), ne l'est en fait jamais. Il est vrai qu'on revient de loin, dans un pays où l'instrumentalisation du charme féminin au service du journalisme politique a été pratiquée, théorisée, revendiquée, par celle qui reste une figure tutélaire de la profession, Françoise Giroud.
Fallait-il aller plus loin, donner les noms des gros lourds en question, les outer ? Les signataires s'y sont, pour l'instant, refusées, mais certaines ne l'excluent pas. Cela dit, il n'est pas interdit d'essayer de jouer aux devinette, comme ici. "Une partie des politiques visés dans la tribune font les malins en appelant à donner les noms, en sachant qu'on ne le fera pas", persifle sur Twitter Johan Hufnagel, directeur adjoint de Libé. Ce qui donnerait une autre piste : chercher ceux qui appellent à donner les noms (tiens, on en a trouvé un ici).
Plutôt que d'outer en masse, une solution consisterait, pour les signataires, qui disposent de tribunes dans leurs medias, à raconter au fil de leurs articles les lourdingueries dont elles sont victimes. Mais sans doute cela aurait moins de force qu'une offensive groupée. Et le milieu sait parfaitement exclure les individualités qui ne respectent pas les codes.
Ce qui est pourtant, dans l'initiative, le plus intrigant et le plus frustrant, ce n'est pas l'absence des noms des politiques dénoncés. C'est l'absence de certains titres, dans la liste des medias auxquels appartiennent les signataires (le JDD, France Inter, Le Monde, France 3, Mediapart, Libération, AFP, Radio Classique, Paris Match, France Culture, Le Parisien, RFI, RMC, L'Obs). Car les signataires tiennent bien à préciser qu'elles s'expriment aussi au nom de "24 autres journalistes représentant 13 medias", qui ont préféré, elles, ne pas signer de leur nom. Soit parce qu'elles sont précaires, soient parce qu'elles "manquent de soutien dans leur rédaction", explique Lenaïg Bredoux (Mediapart). Comment ? Il existerait donc encore au moins 13 rédactions, aujourd'hui, dans lesquelles ces pratiques sexistes sont admises, tolérées, couvertes, revendiquées ? Comme on n'a, ici, aucun devoir de respecter les codes communs, établissons donc une liste, non conclusive, de medias absents de l'appel. Parmi les quotidiens, tiens, personne du Figaro. Parmi les principaux hebdos, on remarque l'absence du Point, de L'Express ou de Marianne. Parmi les radios, personne d'Europe 1 ou de RTL. Parmi les télés, personne de Canal+, de M6, de BFM , d'iTélé, de Public Sénat ou de La Chaîne Parlementaire. Qu'en conclure ?