Scoop : sous les vidéos virales, la politique est toujours là !

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 65 commentaires

Le pognon de dingue ; le ça va Manu ; la disruption de l'Elysée par Kiddy Smile, DJ électro noir et homosexuel : j'étais interrogé hier par des confrères d'un media étranger sur toutes ces vidéos et photos virales qui forment ce qu'on appelle "la communication de Macron". Qu'est-ce qu'il cherche, le Manu ? Quelle est sa stratégie de com' ? Au bout d'un moment, coquin de sort, je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai éclaté, je suis sorti de mon rôle de spécialiste supposé du "ça va Manu" et de la sémiologie des chemises ouvertes sous les dorures. 

Ce qu'il cherche ? Qu'on parle le moins possible du reste. Le reste ? Les migrants, par exemple, en ce moment. Cette proposition tout droit surgie de l'Histoire de "centres fermés", qu'il a avancée avec le nouveau Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez (oui, celui qui a accueilli l'Aquarius). Des "centres fermés". Fermés. A clé. Avec gendarmes à l'entrée, donc. Vous n'avez pas vu la vidéo ? Normal. Elle est institutionnelle, encravatée, pas en bras de chemise. Pas virale pour un sou. Pourtant, le texte vaut le coup. Il faut l'entendre, le Manu, évoquer "une solidarité européenne pour raccompagner dans une démarche de retour les personnes qui n'ont pas droit à l'asile vers leur pays d'origine".

Et alors là, mes confrères : "oui, d'accord. Mais la politique, tout de même, c'est de plus en plus de la com' "Voilà où je voulais en venir. A cette phrase : "la politique, c'est de plus en plus de la com'".  Mais non. Je vais vous faire une révélation extraordinaire : sous la com', la politique est toujours là. Toujours. Il faut partir du postulat que la politique ne peut pas disparaître, s'évaporer. La décision politique est une machinerie qui ne s'arrête jamais. Tant qu'il y a un Parlement, il parlemente. Tant qu'il y a un exécutif, il exécute. Tant qu'il y a des conseils (municipaux, départementaux, régionaux), ils conseillent (avec l'argent qu'on leur laisse, c'est vrai). Chaque heure de chaque jour, des dizaines, des centaines de décisions sont prises, des amendements adoptés ou rejetés, des décrets, des circulaires sont signés, qui vous impacteront un jour.  Rien que dans les derniers jours, cette disposition sur le gel des aides au logement (APL), adoptée en décembre dernier, et repérée seulement ce mois-ci par la fondation Abbé Pierre. Rien qu'hier, cette information préliminaire ouverte sur le financement de la campagne Macron par la Ville et la métropole de Lyon (voir notre émission de la semaine, où il est justement question d'une certaine location de péniche à Lyon). Rien qu'aujourd'hui, cette décision attendue du Conseil constitutionnel, à propos de Cédric Herrou, sur le délit de solidarité. Donc, s'amuser sur la com', oui, bien entendu, c'est croustillant, c'est l'appeau et c'est, ici, notre rôle premier. Mais ne jamais oublier de rappeler, en contrebande, quelle est la fonction de cette com' : ensevelir.

Si vous ne voyez pas la politique, ce n'est pas qu'elle a disparu. C'est que vous ne la cherchez pas. A votre décharge, il faut dire qu'on la cache sous les "pognon de dingue", sous les "ça va Manu", sous les chanoineries de Latran. Mais ce n'est pas une couche bien épaisse. Il n'est pas nécessaire de creuser avec des excavateurs. Il suffit de déblayer un peu.




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