Ruffin, Salamé, les hirondelles et le mépris

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 63 commentaires

Rugy ministre : "Il faut vraiment perdre de la salive et du temps à parler de ça ?" demande François Ruffin à Léa Salamé. Ruffin vient d'évoquer la disparition des hirondelles. Il se demande si ses enfants verront encore des hirondelles. Mais on n'est pas au micro le plus écouté de France pour parler de la disparition des hirondelles. Salamé sait bien qu'elle ne décrochera aucune reprise AFP sur les hirondelles. Salamé à Ruffin : "C'est un peu méprisant de dire ça. Je ne suis pas le porte-parole de François de Rugy, mais c'est son engagement premier, l'écologie. Vous le disqualifiez d'avance"

C'est peu dire que le mépris n'est pas médiatique. Le mépris est mal porté. Le mépris, c'est le mistigri. Il importe, dans toute polémique publique, de soigneusement le dissimuler, et de le refiler à l'adversaire. Il faut donc examiner sans mépris ce reproche de Léa Salamé. Sans doute un certain nombre d'auditeurs de France Inter (et peut-être d'abonnés à ASI) se disent-ils aussi, au fond d'eux-mêmes, qu'il serait bon de "donner sa chance" au nouveau ministre. Mais ce n'est pas "disqualifier d'avance" une personnalité, que de faire une analyse élémentaire des rapports de force politiques et économiques. Avec tout le poids de sa popularité, Hulot a pu faire illusion, y compris à ses propres yeux. Sans aucune popularité, sans mouvement politique derrière lui, portant au contraire le poids de sa trahison personnelle de Hamon à la présidentielle, Rugy n'est rien, et la seule nomination de cette personnalité insignifiante (soit dit au sens étymologique, sans mépris aucun) montre assez que le macronisme est nu. Pas besoin d'ailleurs d'avoir recours à la biographie de François de Rugy, ni aux escarmouches Ruffin-Rugy à l'Assemblée (voir notre émission sur le sujet avec François Ruffin), pour savoir que toute minute passée à écouter Rugy est une minute perdue. Pas besoin de rappeler sa trahison de Hamon. Il suffit d'écouter ses premiers mots de ministre.

"Je suis convaincu que l'écologie est une opportunité" dit-il sur le perron de son ministère, lors de la cérémonie de passation des pouvoirs. Une opportunité.  Blague ? Non. Ce sont bien ses premiers mots : "je suis convaincu que l'écologie est une opportunité", lance-t-il, dans le lourd silence qui suit les éloquentes larmes de Hulot. Quelle chance historique, que cette forte conviction ! Il faut imaginer, sur le pont du Titanic, un Monsieur sérieux, pondéré, pragmatique, constructif : "je suis convaincu que les gilets de sauvetage sont une opportunité. Quant aux canots, ils devraient être plus confortables. Et sur la couleur des bancs, il faudrait faire une vaste consultation démocratique, combler le fossé qui oppose parfois armateurs et passagers." Qu'ajouter ?


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