Retraites : le tapage et les mots croisés
Daniel Schneidermann - - Coups de com' - Le matinaute - 109 commentaires
Deux images de "bordélisation" de l'Assemblée. Bordélisation tapageuse, contre bordélisation silencieuse. Une poignée d'Insoumis, à la cloture des débats, chantent l'hymne des Gilets jaune, "on est là, même si Macron veut pas". Quelques jours plus tôt, au banc du gouvernement, le ministre Olivier Dussopt fait ses mots croisés. Je dis "deux images", mais non. L'image de Dussopt faisant sa grille de mots croisés n'existe pas. On a seulement la semonce du député LR Aurélien Pradié. Et un savon passé, sur BFMTV, par Apolline de Malherbe. Faut-il que l'heure soit grave !
"On est là, même si Macron ne le veut pas, nous on est là" : les députés La France insoumise quittent l'hémicycle en chantant l'hymne des "gilets jaunes", alors que l'examen en première lecture de la #RéformeDesRetraites vient de se terminer.#DirectANpic.twitter.com/lq6n7h2yLv
— LCP (@LCP) February 17, 2023
Le ministre Dussopt pourrait décider d’ouvrir des séances pour examiner un texte aussi important pour la vie des Français.
— Clémence Guetté (@Clemence_Guette) February 17, 2023
Mais peut-être a-t-il un championnat de mots croisés la semaine prochaine ?
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Le bordel des Insoumis est assumé par le groupe parlementaire, qui a décidé à une très courte majorité de ne pas retirer ses amendements, donc de rendre impossible dans les délais impartis la discussion de l'article 7 du projet, celui qui recule l'âge légal de la retraite de 62 à 64 ans. Cette décision repose sur le constat que le jeu parlementaire est pipé, et qu'il est donc plus efficace de le "bordéliser". C'est une pratique parlementaire de rupture, comme jadis l'avocat Jacques Vergès pratiqua la défense de rupture, avec un succès médiatique éclatant, mais un taux de réussite judiciaire nul. Ne me demandez pas si, dans le cas présent, c'est la bonne stratégie. Ce n'est pas mon rôle de décider ça. Je ne suis pas arbitre des politesses. Seul le résultat décidera. Si la réforme des retraites est finalement retirée, cette stratégie aura été la bonne.
La bordélisation silencieuse d'Olivier Dussopt pourrait, elle aussi, être assumée, sur le mode "puisque LFI bordélise, je fais de la résistance passive". Cette bouderie revendiquée serait enfantine, mais courageuse. Au lieu de quoi, le ministre, face à Apolline de Malherbe, se défend comme un gamin pris la main dans le sac. "J'ai ouvert une grille pendant la suspension de séance, oui j'aurais dû la refermer, on ne m'y prendra plus."
On est doublement méprisés : par les mots croisés du ministre, et par son refus d'assumer. C'est à cette personne-là que le pouvoir a confié la mère de toutes les réformes ? Faut-il qu'ils n'aient personne d'autre. Étonnamment, ce sont les Insoumis et Mélenchon qui se font engueuler, outre le chœur médiatique, par les syndicalistes Martinez et Berger, qui n'ont pas un mot sur les mots croisés de Dussopt. On ne peut pas avoir l'œil à tout.