Retraites : l'effet Aurélie Casse

Daniel Schneidermann - - Médias traditionnels - Investigations - Le matinaute - 178 commentaires

Les yeux s'écarquillent. On n'en croit pas ses oreilles. "Pourquoi avoir donné ce mirage d'une retraite à 1 200 euros pour tout le monde ?", demande Aurélie Casse, de BFMTV, au ministre des relations avec le Parlement Franck Riester. 

"- C'est pas un mirage. 85 % du Smic net…
- Même ça c'est faux, ceux qui n'ont pas une carrière complète ne sont pas concernés.
- Une carrière complète au...au...niveau du Smic…
- Qui aura la retraite à 1 200 euros ? Très peu de personnes […] Pourquoi vous ne chiffrez pas le nombre de personnes qui sont vraiment concernées par la retraite à 1 200 euros ? Quel est le vrai chiffre ? […] C'est dommage de ne pas répondre.
- J'arrête pas de répondre !
- Non mais quel est le vrai chiffre de Français concernés par la retraite à 1200 euros ? Pourquoi vous ne le donnez pas ? Parce qu'il est très bas.
- Parce que ça nécessite des calculs qui…
- Ben vous pouvez les faire, ces calculs."

Jeu, set et match. Une interview de ministre devrait toujours ressembler à ça, à tenter d'acculer le puissant en fond de court à une réponse sèche aux questions précises, sans jamais lui donner l'espace pour déployer ses réponses préfabriquées. Toujours, partout. Notre stupeur donne la mesure de la dérive générale des plateaux.

Suffit-il d'une journaliste qui se souvient de la vraie nature de son métier pour désinhiber tous les autres ? Sur France Inter, deux jours plus tard, Thomas Snegaroff renvoie le porte-parole du gouvernement Olivier Véran à ses mensonges passés. Léa Salamé réinvite sur France 2 l'économiste Michaël Zemmour qui lui avait démontré (sur France Inter) le mensonge des 1 200 euros, tout en assurant benoîtement que  "tous les journalistes" ont gobé le bobard comme elle, généralisation infâmante entre autres pour notre confrère Dan Israel de Mediapart, notre invité de cette semaine. A noter que Salamé exonère son complice de la matinale d'Inter ("peut-être pas vous Dominique Seux..."), on se demande bien pourquoi.

Heureusement, fidèle parmi les fidèles, reste l'éditorialiste de France 2 Nathalie Saint-Cricq, une des dix relayeuses du "déjeuner off avec Macron". "Quel regard porte-t-on ce soir du côté du gouvernement ?", lui demande Laurent Delahousse au soir des manifestations de samedi. À grands coups de "on" savamment ambigus, elle se fait sans l'ombre d'une distance le perroquet fidèle de la pensée gouvernementale, manière speakerine de la Corée du Nord, sur le mode "on scrute le taux de personnes qui pensent que ça passera quoi qu'on fasse, et ce taux reste relativement stable". Mais partout ailleurs, la muraille s'écroule.

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