Résistance dans les Hautes-Alpes
Daniel Schneidermann - - Alternatives - Le matinaute - 66 commentaires
Vous connaissez Alex Hugo ? Moi non. Jusqu'à hier. Alex Hugo est un improbable et spectaculaire flic champêtre et montagnard de France 3, qui résout ses énigmes sur fond de chalets en bois et de cîmes enneigées. Et pourtant, comme le révèlent Sherlock et Watsonne dans leur hilarante chronique d'hier, il vient de battre en audience le mastodonte Koh-Lanta de TF1, pour la cinquième semaine consécutive. Oui, battre Koh-Lanta. Et pourtant, faites le total des articles consacrés par la presse télé à Koh-Lanta, et de ceux consacrés à la série Alex Hugo
! Je parle de la presse, mais elle n'est pas seule en cause. Je n'ai pas le souvenir non plus d'avoir jamais vu #AlexHugo en tendance, sur mon réseau social addictif favori (ni sur un autre).
Il y a une vie, et des succès possibles, hors du rouleau compresseur de la promo. Derrière les invités récurrents des radios et des télés, derrière les comédiens récurrents, les metteurs en scène récurrents, les écrivains récurrents, les économistes récurrents, les philosophes récurrents, les animateurs récurrents, derrière la petite escouade des détenteurs de ronds de serviette et d'abonnements à vie chez Hanouna, Praud, Demorand et Salamé, il y a des auteurs, des artistes, des initiatives, des pratiques culturelles ou professionnelles, qui passent vaillamment sous les radars. Derrière le rêve standardisé du pugilat-bikini dans les mers du Sud, ça résiste dans les Hautes-Alpes, en doudoune sans manches.
Cet été, j'ai visité le château de Guédelon, dans l'Yonne. Une incroyable entreprise de construction d'un château-fort du 13e siècle, selon les techniques en usage à l'époque, avec démonstrations éloquentes et enflammées des maçons, des ferronniers, des bûcherons, des tissandières. La construction dure depuis vingt ans maintenant. Le château est sorti de terre, avec ses chemins de ronde et son pont-levis. Outre l'entreprise "d'archéologie expérimentale" qu'il constitue, le chantier témoigne aussi d'un engouement possiblement très significatif pour les métiers de l'artisanat qui, dans les hoquets de l'économie mondialisée, pourrait bien être une importante tendance de demain. Une petite centaine d'emplois d'Alex Hugo de l'artisanat ont été créés. Résultat : 300 000 visiteurs par an, qui paient quinze euros leur billet. Les avez-vous vus, ces artisans, chez Praud, chez Hanouna, ou chez Ruquier ?