Remaniement, le spectacle fatigué

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 58 commentaires

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C'est moi, ou la petite tribu des journalistes politiques, cette fois-ci, s'est plutôt calmée sur le remaniement ?

Il faut les voir, d'habitude, en planque devant l'Elysée ou Matignon, comme si c'était sur le trottoir que se recueillaient ces infos, donnant des jours durant les derniers pronostics béton, démentis dans l'heure suivante. Cette fois-ci, l'obsessionnel feuilleton de "la déchéance" les aura détournés de la chasse aux tuyaux. Le public intéressé aura toutefois pu suivre de loin la tentative -échouée- de recruter Hulot à l'environnement, pour faire monter Royal aux Affaires Etrangères. On aura eu quelques échos des oppositions suscitées par cette idée dans la population des diplomates. Qui, alors ? Sapin ? Mais il faudrait donner tout Bercy à Macron, projet contre lequel Valls, parait-il, "fait barrage de son corps" (Europe 1). Alors ? Tiens tiens, on a remarqué que Ayrault, d'abord hostile, a finalement voté la déchéance de nationalité. C'est un signe.

Il faudrait s'arrêter sur cet indice, donné plusieurs fois, sur plusieurs antennes, sur un ton parfaitement neutre, ces derniers jours, par des confrères zinformés. Que nous disent les échotiers politiques qui nous en font part ? Ils nous expliquent qu'un homme d'Etat a mis ses convictions dans sa poche, sur une question de principe qui déchire son camp, une question à références vichysto-pétainistes, une question à perdre son âme, autrement dit un de ces débats de première classe qui enflamment périodiquement la bulle médiatico-politique, pour décrocher un poste à lustres et chauffeur pendant quinze mois. Et ils l'expliquent factuellement, sans commentaires, en froids professionnels, sans nullement laisser transparaître ce que leur inspire ce comportement, comme s'il allait de soi, ce comportement, comme si non seulement eux-mêmes le considéraient dans l'ordre des choses, mais comme s'ils pressentaient que leurs lecteurs, leurs auditeurs eux-mêmes, n'en seront pas choqués.

La glose sur le remaniement tue toute tentative de jugement sur les reniements. Il faut dire que c'est une si délicieuse friandise ! Allez, mouillez-vous, qui au quai d'Orsay ? demande Thomas Sotto au spécialiste d'Europe 1, David Doukhan. Bon, Thomas, je voulais vous épargner le petit jeu des pronostics toujours démentis. Mais puisque vous insistez, je mets plutôt une pièce sur Ayrault. Le spécialiste prudent, contre le présentateur pousse-au-crime : la saynète exprime le suc du spectacle du remaniement. Un classique poussiéreux du répertoire joué par des amateurs fatigués pour un public indifférent, les deux ayant renoncé depuis longtemps à l'ambition de créer quelque illusion que ce soit.

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