Rebecca, Paula, Paulette et les autres

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 47 commentaires

Quand on partait de bon matin, quand on partait sur les chemins... Pour les cent ans de la naissance d'Yves Montand, sur France Inter, Rebecca Manzoni raconte À bicycletteNous étions quelques bons copains. Y avait Fernand y avait Firmin. Y avait Francis et Sébastien. Et puis Paulette. Ces prénoms. On dresse l'oreille. La veille, au même micro de France Inter, Zemmour a "balancé" le prénom libanais de Léa Salamé, Hala, faisant mine de la féliciter d'avoir renoncé à Hala pour devenir Léa. Le texte de À bicyclette est de Pierre Barouh, né Elie, immigré de Turquie, et rebaptisé Pierre sous l'Occupation par ses parents qui l'ont envoyé se cacher en Vendée, où il s'est fait, à bicyclette, des souvenirs pour la vie. Certainement, Zemmour aurait aussi félicité Elie d'être devenu Pierre.

À cette heure matinale, je n'ai pas les moyens de retrouver pourquoi ni quand exactement Ivo Livi, lui, est devenu Yves Montand. Ce qui est certain, c'est qu'en 1924, ses parents Giovanni et Giuseppina ont fui l'Italie fasciste. On était tous amoureux d'elle. On se sentait pousser des ailes. La chanson date de 1968, avant mai. À écouter la liste des prénoms des petits cyclistes, aucun gamin de dix ans, à l'époque, n'aurait alors pensé à mal. Y avait Fernand, y avait Firmin. Aucun n'aurait imaginé qu'un jour ces prénoms se transformeraient en objets politiques, qu'on se les balancerait à la figure dans de furieux affrontements. En vrai, nous les garçons, on était surtout amoureux de Paulette. Faut dire qu'elle y mettait du cœur. C'était la fille du facteur. 

En vrai, on fredonnait À bicyclette comme on fredonnait Ivan, Boris et moi, autre ritournelle de grands chemins et de rivières, sans savoir que Marie Laforêt s'appelait en réalité Maïtena Douménach. Anton Ivan Boris et moi. Rebecca Paula Johannah et moi. En vrai, ces prénoms-là donnaient à cette chanson un tout autre piment. Ils nous emmenaient vers d'autres rêves. D'autres. Ni pires ni meilleurs. Qui aurait pensé mettre en compétition Paulette et Paula ?

"Interprétée par un artiste né en Italie, écrite par un poète fils de juif émigré de Turquie, et composée par un musicien d'origine italienne (Francis Lai). Alors, elle est pas belle, la France ?" résume Rebecca Manzoni. Elle n'en tire aucune conclusion, c'est une chronique musicale. Moi non plus, d'ailleurs. Fin de trimestre sur la jante, aucune envie. C'est davantage jour à chantonner, qu'à tirer des conclusions.  "Souriez, c'est vendredi", conclut Rebecca, comme tous ses Pop'n Co.  Et c'est aussi le dernier Matinaute de l'année. Joyeuses fêtes à tous.


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