Rafales rafraichissantes
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 39 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Pan sur le bec du coq : le Brésil n'achètera pas les Rafale français.
La presse l'a dit, redit, et s'en gargarise : le Brésil préférera acheter des avions...suédois, moitié moins coûteux, plutôt que le plus bel avion de chasse du monde, invendable. Et Rue89 de ressortir les cris de victoire du Figaro, propriété du groupe Dassault, en 2009, quand Sarkozy était rentré du Brésil, le contrat en poche, juré craché : c'était fait, archi-fait, signé avec le copain Lula, "Sarkozy n'est pas allé au Brésil pour rien". Ainsi, dans une morbide symétrie, se répondent en permanence deux rengaines également crétines : le refrain glorieux de l'éternelle influence française, et le lamento morbide du déclin.
Dégager une image précise de la place de la France dans le monde de cette double attraction fatale, psychologico-affective, semble la chose la plus difficile. Et voici, miracle, qu'un invité des radios du matin semble y parvenir. C'est un géographe. Il s'appelle Michel Foucher. Vous ne le connaissez sans doute pas. Il ne passe pas sa vie à courir du plateau de Calvi à ceux de BFM. Et pourtant, au micro de France Inter, cet ancien conseiller de Védrine au Quai d'Orsay dégaine en...rafales (pardon) des phrases rafraichissantes. Et rappelle quelques vérités infra-médiatiques. Tiens, par exemple, en même temps que la France ratait le contrat des Rafale, des entreprises françaises, Arianespace et Thalès, concluaient effectivement des contrats au Brésil. Quels medias l'ont dit ? Qui l'a rappelé ? Le Rafale, estime Foucher, n'avait aucune chance au Brésil. Le Brésil n'a pas d'ennemis, et peut donc se satisfaire d'avions low-cost. Et "un avion, ça se vend au kilo". Mais rien à faire, la France doit perpétuellement se regarder en victime. "Au Quai d'Orsay, quand j'essayais d'écrire dans un discours que la France est acteur de la mondialisation, la conseillère presse barrait acteur, et le remplaçait par victime".
Le problème des industriels français (vous savez, ceux qu'il faut payer 400 SMIC, sous peine de départ des talents à l'étranger) ? Pas assez polyglottes. A l'exportation, ils ne sortent pas de la "francosphère". Et aussi, ils jouent trop perso. La faute, cette fois, à l'école, oui à l'école, trop prisonnière de "logiques de premier de la classe. On n'y travaille pas assez collectivement". Bref, ça décoiffe sec. Soyons honnête : je n'ai pas lu "l'Atlas de l'influence française au XXIe siècle" dont il vient faire la promo. Mais j'ai bien envie de l'inscrire à mon programme de grassematinaute des semaines qui viennent. Je vous en parlerai l'an prochain. D'ici là, joyeuses fêtes à tous, et ne manquez pas nos émissions de fin d'année : on vous a préparé de belles surprises.