Radios : au marché du matin
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 98 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
"On fera mieux en 2012" : en quatre mots de Patrick Cohen
, France Inter a donc promis. Après les trois emballements des derniers jours, tous trois méthodiquement analysés sur votre site préféré (la venue sûre et certaine de Beckham à Paris, la valise de lingots d'or trouvée dans le RER parisien, le scoop en carton pâte de Libé sur Sarkozy et Karachi), "pas de quoi être fiers", admet Cohen. "On fera mieux en 2012": Ah tiens ! Comment feront-ils mieux ? Comment résisteront-ils à un beau scoop bien ficelé, bien tentant, dans la presse du matin ? Comment les mêmes causes produiront-elles des effets opposés ?
S'il est à craindre qu'ils ne fassent pas "mieux", ce n'est pas par mauvaise volonté. C'est parce qu'ils ne décident rien. C'est la mécanique du système qui décide pour eux. Comment résister à un scoop, si l'on craint que les radios concurrentes n'en fassent leur ouverture, à ses dépens ? Les matinales radio sont un marché, comme les 20 Heures de TF1 et France 2, comme les chaînes d'info continue. Le mystère de ce marché, d'un point de vue libéral, c'est que les compétiteurs s'y acharnent à se copier, plutôt que de se différencier. Mêmes invités politiques produits d'appel, mêmes chroniques hippiques sur la course Hollande-Sarkozy, mêmes feuilletons.
Ce marché ne reculant pourtant devant aucune innovation de marketing, les vendeurs racolent maintenant sur Twitter, avant diffusion. Ainsi, dès son réveil, le matinaute se voit sommé par les maisons France Inter et RTL de choisir entre deux programmes alléchants.
Il faut saluer cette formidable innovation: plus besoin d'écouter Aphatie, puisque l'on sait à l'avance pourquoi il a invité Laurent Wauquiez: dans 20 minutes, Wauquiez va "enterrer" la circulaire Guéant sur le séjour des étudiants étrangers, c'est à dire s'efforcer de laisser les portes de la France entrouvertes pour quelques polytechniciens indiens ou brésiliens (ce qui constitue d'ailleurs tellement un scoop que Wauquiez avait dit exactement la même chose dès novembre dernier). Le match consiste désormais, pour Aphatie, à faire formuler la chose par son invité avec les mots les plus digestibles par l'AFP, et pour Wauquiez à résister à ces assauts pour que le couac gouvernemental semble se résorber en bon ordre. Plus ou moins divertissant que le "sens inné de la répartie" de Morano ? A chacun de choisir. Bienvenue au marché du matin.