Pujadas, dans l'enfer des jobs pénibles
Daniel Schneidermann - - (In)visibilités - Le matinaute - 42 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Qui disait que les ouvriers étaient les invisibles de l'information mainstream ?
Résumé des épisodes précédents : quand il traitait de la loi sur la pénibilité (projet-qui-part-d'un-bon-sentiment-mais-dévoyé-par-la-bureaucratie-devenu-une-usine-à-gaz-comme-c'est-triste) Pujadas donnait exclusivement la parole au petit patron dépressif débordé par la paperasse. L'ouvrier soumis au bruit, à la pollution chimique, travaillant en chambre froide, ou portant des charges lourdes, n'apparaissait qu'en silhouette muette. Pénurie d'interprètes, sans doute.
Mais tout évolue. A l'occasion de l'entrée en vigueur, le 1er juillet, de nouveaux critères de pénibilité, Pujadas a mis les moyens. Sur son plateau, il a invité un ouvrier. Enfin quasiment. C'est un journaliste de la rédaction, Jean-Paul Chapel, qui s'est mué en explorateur. Enfin, pas tout à fait non plus. Disons qu'à travers Chapel, transformé en figurant d'écomusée, il s'agit de faire découvrir au télespectateur l'enfer des jobs pénibles.
Rappel : travail de nuit, travail en décalé, travail répétitif, étaient déjà concernés, ainsi que "le travail en milieu hyperbare". Tout d'un coup, la voix de Chapel est recouverte par un bruit de respiration oppressée dans une bouteille à oxygène. Eteignez les lumières, on commence. Et quels sont donc les métiers concernés par les nouveaux critères ? Chapel : "ceux qui sont soumis au bruit, 81 décibels". Bruit de train. Chapel, pédago : "c'est le bruit que fait un train qui passe à côté de vous". "Les fortes vibrations, on pense bien sûr au..." Bruit de marteau-piqueur. Chapel : "...marteau-piqueur, vous l'entendez." Et les vibrations ? On n'a pas senti les vibrations ! Que font les truquistes ? Mais il y a aussi le port de charges lourdes. Chapel, se dirigeant vers un accessoire hors-champ : "ce sac de sable, par exemple. Il fait 35 kilos." Trainant sa charge sur le plateau sur quatre-vingt douloureux centimètres : "j'arrive à peine à le soulever, je vais le poser par ici". Enfin les postures pénibles. Chapel : "ça inclut tous ceux qui ont les bras au-dessus de l'horizontale, c'est à dire comme ça" (geste)...
..."Qui sont accroupis..." (geste)
..."Ou bien qui ont le dos penché à plus de 30 degrés, c'est précis"
Ne boudons pas notre satisfaction. Par rapport aux fameux "30 degrés d'inclinaison du corps", Pujadas est passé de la raillerie patronale unilatérale à une pédagogie teintée d'humilité devant la rudesse du travail manuel ("j'arrive à peine à le soulever"). C'est un progrès. Très bonne idée, ce Puy du Fou des métiers pénibles. Mais si je peux me permettre, ça pêche un peu au niveau des costumes. La prochaine fois, il faudrait habiller Chapel en bleu de travail, avec casquette et mégot. S'il a survécu à son tour de reins, bien entendu.