Primaire de la droite : de la différence entre un mensonge et une contre-vérité
Daniel Schneidermann - - Intox & infaux - Le matinaute - 46 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Si vous avez manqué le débat de la primaire de la droite et du centre
, vous n'avez rien raté, il est résumé partout ce matin. Au choix, vous sont proposés une sélection des 35 piques que les candidats se sont envoyées à la figure, ou un best of des gaffes, lapsus et fou-rires. Ce dernier est d'ailleurs de loin le plus distrayant. De ce magma archaïque et un peu rance qu'on appelle "la droite française", de ce chaudron collectif où bouillonnent les baisses d'impôts des riches, les suppressions de postes de fonctionnaires, les créations de postes de policiers, et les propositions d'allongement de l'âge de la retraite, voici que surgissent tout d'un coup, frais et spontanés, tutoiements et prénoms de camarades. Le plus gros producteur de "François, Alain, Nicolas", étant Bruno Le Maire, qui a manifestement bien préparé son pistolet à tutoiement.
Comme à chaque débat, et à chaque événement désormais, la presse en ligne propose aussi son fact-checking. On a plusieurs fois salué ici le caractère bénéfique de ces contre-enquêtes express, sourcées et documentées, qui se sont fermement installés dans une partie de la presse, et je n'y reviens pas. Mais pourquoi restent-elles empreintes de cette timidité verbale ? Si Le Monde, par exemple, à propos de ce débat, parle clairement "d'intox", France Télévisions en reste aux "approximations et contre-vérités". Pourquoi, quand Sarkozy lâche que "aujourd'hui, policiers et gendarmes ne peuvent faire usage de leurs armes que si on leur tire dessus", ne pas qualifier cette assertion comme ce qu'elle est : un mensonge ? Une intox. Pourquoi ces restrictions verbales ? Pourquoi, à propos du méga "fichier des gens honnêtes", dont je vous parlais ici, qualifier d'"oublis et erreurs" les mensonges de Urvoas et Cazeneuve ? Si Cazeneuve assure que la CNIL a "intégralement validé" la création de ce fichier, alors que Le Monde démontre que c'est faux, s'agit-il vraiment, de la part du ministre, d'un "oubli", ou d'une "erreur" ? Quelle fâcheuse succession de trous de mémoire, vraiment !
Quelle est la différence, entre une "contre-vérité", et un bel et bon mensonge ? Tout se passe comme si, pour la presse traditionnelle, mensonges et intox ne pouvaient au fond venir que des sombres gouffres à complotistes des réseaux sociaux. Quand ils viennent des candidats à la présidentielle, ils se transmutent aussitôt en "contre-vérités" et "approximations", tellement plus présentables.