Pivot, Ardisson, Le Carré : souvenirs de la vieille télé
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 18 commentaires
Plusieurs souvenirs de la vieille télé refont surface, ces jours-ci. La vieille télé engloutie, avec ses mythes et ses monstres. Merci Netflix, revoici pour une nouvelle session de relectures la mémorable émission d'Ardisson en 2007, au cours de laquelle Tristane Banon raconte son agression sexuelle par DSK en 2003, sous les rires des convives. Elle avait déjà refait surface en 2011 après le Sofitel, la revoici donc. Paul Aveline est allé recueillir les témoignages embarrassés des convives (notamment Askolovitch et Séguéla). A écouter aussi, le témoignage d'Aphatie, le seul à avoir eu, selon lui, et Banon elle-même, une réaction à peu près saine, dans un microcosme qui, en 2011 encore, tentera de discréditer l'écrivaine (accablant 20 Heures de Pujadas). Plusieurs des convives veulent aujourd'hui croire que tout a changé. Est-ce certain ? Comme le souligne un de nos abonnés, Gérald Darmanin est ministre, et le Conseil de Paris a réservé une standing ovation à Christophe Girard.
Tout a changé ? A propos de la grève sur le tas des joueurs au Parc des princes, après une interpellation raciste par un arbitre, le même Aphatie, se demande si "on"
(sous-entendu, les gens de la télé) ne passe pas à côté de l'événement, attribuant ce ratage au "privilège blanc"
(dans le texte).
"Une autre personne non blanche qui tiendrait les mêmes termes serait immédiatement taxée d'islamo-gauchisme. Une magnifique démonstration de la notion de privilège !"
note notre animatrice, Nassira El Moaddem. Certes. N'empêche qu'entendre un éditocrate blanc comme Aphatie parler de privilège blanc, c'est comme entendre Macron prononcer les mots "violences policières". Un signe ?
Ce matin enfin, je redécouvre le moment -apparemment culte- de "la cravate de Pivot", lors d'un Apostrophes
avec avec John Le Carré en 1989.
Délices de ce moment de télévision, sans aucune trace de privilège blanc, ni de machisme. "John Le Carré, c'est un vrai Anglais, il connait l'usage, le savoir-vivre, il sait quand il faut mettre une cravate et quand il ne faut pas en mettre, tandis que moi je ne le sais pas, en bon Français"
. Plaisir sans mélange de ce moment de "bon aloi" entre deux Seigneurs de la vieille Europe, nostalgie des passes d'armes franco-britanniques en gants blancs quand personne encore ne parlait de guerre des civilisations, Messieurs les Anglais, tirez les premiers. Sans mélange ? Comment ne pas se souvenir tout de même aujourd'hui, hélas, que ce délicieux Pivot est le même qui riait franchement aux exploits de Matzneff ? Ô mondes déjà engloutis !
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