PISA : marge d'erreur dans le bonnet d'âne

Daniel Schneidermann - - Pédagogie & éducation - Le matinaute - 65 commentaires

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Tremblements matinaux : le "bonnet d'âne" menace.

Entendez : la France va encore perdre des places au classement PISA, qui mesure les performances des élèves classés par pays, et dont les résultats devraient être rendus publics dans la matinée. On entend d'ici la longue lamentation du déclin, sur laquelle chacun greffe ses propres fantasmes : on vous l'avait bien dit, trop de maths, trop d'histoire-géo, trop d'orthographe, trop de laxisme, trop de temps libre, trop d'heures de cours, trop de télévision, trop d'internet, trop d'impôt, trop d'écotaxe, et on dégringole dans le classement PISA.

Passons sur le fait qu'un classement par nationalité masque nécessairement les inégalités à l'intérieur de cette nationalité. Ainsi, la dégringolade française annoncée tiendrait, nous expliquent les radios du matin, à la baisse de niveau des plus faibles, que la hausse du niveau de l'élite ne parvient pas à contrebalancer. Mais il y a plus grave. Si cette enquête, menée tous les trois ans sur les adolescents de 15 ans, est reconnue comme parfaitement rigoureuse, en revanche son point faible est précisément...le classement, affecté, parait-il, d'une marge d'erreur de plus ou moins cinq places. Autant dire que si l'on apprend que la France a reculé de cinq places au classement, cela ne signifiera pas grand chose.

Une marge d'erreur, ça ne vous rappelle rien ? Mais si bien entendu, la sondomanie politique, et l'hyper-médiatisation absurde de gains ou de pertes d'un ou deux points, à l'intérieur, donc, de la marge d'erreur. Et si le classement PISA révélait surtout notre hantise morbide du bonnet d'âne, qui pousse le système médiatique à se polariser sur des classements sans signification ? Des sondages de popularité déconnectés de toute traduction électorale, jusqu'aux oracles des agences de notation sans aucun effet sur les taux d'emprunts des pays qu'elles affectent (on se souvient des psychodrames à répétition autour de la perte du triple A français, laquelle perte n'a strictement rien changé au taux auquel la France emprunte sur les marchés) les journalistes français adorent notations et classements. Sans doute PISA, en plongeant dans les spécificités de l'enseignement français, pourrait-il nous aider à en comprendre les raisons.

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