Pénuries : le grand secret

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 87 commentaires

Écoutez comme il revient à pas de loup. Écoutez comme il s'insinue dans les conversations. Écoutez comme il va coloniser les Unes : le mot "pénuries" revient en force. Pénurie d'essence au Royaume-Uni : là c'est très simple, explique l'éditocratie française, c'est la faute au Brexit. Fallait pas renvoyer les chauffeurs polonais, ils ne peuvent plus (ou ne veulent plus) revenir. Bonne explication, sauf que la pénurie de chauffeurs routiers frappe aussi (quoique moins) le continent, pourtant non brexité.

Mais s'il n'y avait qu'elle ! Voici que nous sommes menacés d'une pénurie de jouets à Noël, s'alarmait-on hier soir chez Calvi, sur BFMTV, en direct du front de la Barbie et du Lego. Conseils pratiques à l'appui aux clients du père Noël : commandez tout de suite ! Ne vous laissez pas prendre au dépourvu. Pénurie de containers (car pénurie d'aluminium). Pénurie "historique" des semi-conducteurs. Pénurie de caoutchouc, avec conséquence dramatique :  Alain Duhamel va-t-il devoir affronter une pénurie de balles de tennis ? "Il jouera plus longtemps avec ses vieilles balles" conseille le collègue Emmanuel Lechypre. Horreurs du monde d'après.

La marée planétaire du Covid se retirant, apparaissent sur la grève ses conséquences hétéroclites. Plus dramatique encore que la pénurie de matière premières, donc, la pénurie de main-d'œuvre. Il paraît que  ça flanche, dans la grande armée de l'ombre des routiers, qui a découvert les joies de l'inactivité.  Interrogée par Franceinfo, la représentante des patrons routiers, elle, a trouvé les coupables de la "crise des vocations" : les agences Pôle Emploi et les conseillers d'orientation des lycées, qui ne mettent pas assez la filière en avant. Sans parler des entrepôts Amazon, qui proposent des jobs tellement plus cools. "Faut-il offrir de meilleurs salaires pour rendre ce métier plus attractif ?" lui demande timidement France Info. Oui, peut-être, faut voir. Il y en a un qui, depuis longtemps, a révélé le grand secret. Il s'appelle Joe Biden.

"Pay them more !" S'agissant des serveurs des bars et restaurants, autre "secteur en tension", Macron a trouvé une autre solution miracle : les pourboires défiscalisés, sur lesquels les employeurs ne paieront pas de cotisations, et les salariés pas d'impôts (mais n'était-ce pas déjà le cas auparavant ?) Tout plutôt que la solution Biden, qui a le grand inconvénient de l'évidence, et de la simplicité.


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