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Etienne3
Tout dans cet "évènement" et son traitement dans les media mais aussi sur les "rezosociaux" illustre de façon frappante la domination symbolique de classe.
Ce n'est pas tant l'exhibition de la misère économique au strict plan matériel qui est mise en scène - personne ne s'offusque des images de cohue lors des distributions de nourriture par les ONG dans les régions pauvres ou de guerre - que le rappel permanent de l'indignité sociale et symbolique des démunis.
Ce n'est d'ailleurs pas par hasard que l'image qui est la plus retenue, et qui circule le plus, est celle des pots de Nutella, et non pas celle des couches pour bébés qui ont pourtant donné lieu aux mêmes bousculades: ces produits s'approchant plus de ce qu'on conçoit normalement comme des produits de première nécessité - l'hygiène des touts petits - il devient tout de suite plus difficile et gênant de se moquer des bousculades lors de ces opérations de promotion.
En revanche, le pot de Nutella en promo est chargé d'une représentation symbolique bien plus riche et signifiante dans le regard de surplomb que portent les dominants sur les plus démunis. D'une part la nourriture, ce que l'on ingère, ce que l'on introduit dans son corps - et in fine ce que l'on "est", ainsi la façon dont on le fait (les "bonnes manières de manger), est traditionnellement au coeur de la distinction bourgeoise.
Or en premier lieu, on apprend avant tout dans les familles où les enfants sont "bien élevés", qu'on ne se bat pas pour la nourriture. La raison évidente est que celle-ci étant abondante, rien ne justifie sur le plan matériel (simplement la faim ou l'appétence pour un produit qu'on ne peut consommer souvent) de se précipiter sur la nourriture.
Comme très souvent la bourgeoisie redouble une domination matérielle - le fait de ne pas être restreint dans sa consommation alimentaire - par une domination symbolique - le fait de se comporter avec décence et retenue face aux aliments.
Le spectacle de gens en train de se jeter sur des pots de pâte à tartiner est de ce point de vue une source de mépris de classe vis-à-vis de gens "qui ne savent pas se tenir", avec un jugement rabattant spontanément ces comportements vers l'animalité.
Mais le pot de Nutella est doublement symbolique dans le sens ou ce produit est chargé de tout ce qui représente la "malbouffe" au sein des classes dominantes: produit composé essentiellement de graisse et de sucre, il est depuis quelques années désigné comme le symbole de ce qu'il ne faut pas manger dans ces milieux: l'huile de palme qu'il contient est à la fois décrié pour les conséquences écologiques de sa production désastreuse que pour ses conséquences supposées néfaste pour la santé. Non seulement c'est de la graisse, mais en plus de la "mauvaise graisse".
De nombreux parents de ces milieux proscrivent purement et simplement les pâtes à tartiner dans le régime alimentaire de leur progéniture.
Ce produit est plus ou moins associé dans le jugements distinctif à un produit "honteux", dont on se gave en s'en mettant partout. La grande taille du pot "familial" en rajoute une couche dans cette représentation tacitement dégradante de la personne qui se "néglige", cède trop facilement à la gourmandise, et finalement... devient obèse - ce qui renvoie aussi directement aux images complaisantes de ménagères en surpoids poussant un caddie trop rempli dans un supermarché...
La complexité de ces représentations concernant la nourriture et la gourmandise - et par là l'intempérance, objet du mépris de classe - peut s'entrevoir en comparant le pot de Nutella familial avec le chocolat vendu très cher à plus de 90% de cacao destinée à une clientèle bourgeoise: non seulement ces gammes de produit sont vendues sous le label "équitable" - donc vertueux - mais en plus sont loués pour leur qualités nutritives (antidépresseur naturel, faible en graisses).
Le fait de se gaver de nourriture n'est donc pas jugé de la même façon selon la nature du produit: s'il n'est pas rare dans les milieux bourgeois de confesser adorer le chocolat au point d'en être "drogué", cet aveu d'intempérance déclenche en général un sourire de connivence et d'entre-soi. Pire encore, une des grande force de la nouvelle distinction bourgeoise en matière de consommation alimentaire est le fait de se permettre de temps en temps un "écart", en enrichissant un panier de produit nutritifs et de qualité avec des exceptions de "malbouffe" et de "merde" habituellement destinés aux dominés - de la même façon que l'on peut affirmer regarder la télé-réalité ou apprécier Jhonny et le karaoké, tout en ayant des pratiques culturelles légitimes.
Ces excès temporaires sont bien entendus compensés par une pratique de l'exercice sportif, de régimes "detox" divers et une abondante consommation d'eau en bouteille.
La différence repose une fois encore sur l'éventail des possibilités offertes aux dominants , qui peuvent s'accorder de temps en temps un écart au milieu d'une consommation habituellement distinctive, alors que les pauvres sont condamnés au registre de la malbouffe - au même titre qu'ils le sont sur le plan culturel à la télé-poubelle.
Voilà pourquoi ces images exercent une telle sidération dans la bourgeoisie - y compris la petite: non seulement ces gens-là se disputent pour de la nourriture - ce qui est en soi inconvenant - mais il se battent littéralement pour de la "merde"! Une telle représentation ne peut manquer d'enfermer définitivement les classes populaires dans une image d'infériorité structurelle.
Jamais bien sûr cette infériorité ne sera attribuée à leur conditions matérielles d'existence - et en particulier le manque quotidien des "bonnes choses" non seulement par leur qualités intrinsèques, mais aussi parce qu'elle sont prescrites comme telles par les dominants au nom du bon goût - mais seulement à leur indignité de classe.
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Ervé
La Fondation Abbé Pierre demande à Macron de "mener une politique sociale" (!).
Preuve qu'on peut s'engager en faveur des pauvres, avec ce que cela suppose de générosité et de dévouement, avoir conscience de la gravité du problème, et ne pas dédaigner de temps à autre une petite touche d'humour.
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Boulit
Si je résume : les types qui écrivent les lignes que l'on apperçoit entre les pubs des torchons des milliardaires et qui ont poussé tout le pays à plébisciter leur représentant à la tête de l'Etat (le môme qui est bien parti pour agraver les choses, évidement) ignoraient que la population était sans le sous ?!... On est bien là.... Parfait ! Bravo les teubé de Paris, désolé les autres gens..... De toutes les façons y'en a plus pour très longtemps : le prochain crach boursier arrive,.... faut s'entrainer à se ruer sur le Nutella, y'en aura pas pour tout le monde....
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constant gardener
En réponse à Julie Guilbaut : "La désactivation de l'extension a permis un retour fluide à la navigation immédiatement, ainsi qu'à la consultation des vidéos, et surtout des forums."
Pas pour moi. Avec Firefox (à jour), avec ou sans l'extension de Gemp, c'est pareil. En particulier, les commentaires sous cet article, dont je ne peux lire que les 2 premiers.
Et, comme d'autres avant moi, je trouve que ça commence à être trèèèès long, tout ça.
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Abe Road
Bonjour
Rien à voir avec la chronique du jour mais l'épisode d'archive de 'dans le texte' avec Frederic Lordon, Capitalisme, désir et servitudes est incomplet. Il ne fait que 18 mn en ligne.
Merci
Abe.
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Julie
Chèr.e.s abonné.e.s et utilisateur.trice.s du "forum",
Après quelques investigations, il s'avère que la très utile extension de gemp via Tampermonkey a d'importants effets de bord sur votre navigation dans le site (ralentissements, plantages du site et notamment après ou pendant la consultation des fils de commentaires, difficulté de lecture des vidéos, occupation de toute la ressource de votre navigateur etc.)
Nous vous conseillons pour une navigation fluide sur le site de désactiver ou désinstaller cette extension dès que possible !
Les améliorations proposées par gemp seront bien entendu incluses dans le développement futur de votre forum, que nous savons être attendu impatiemment et que nous vous promettons de rendre à nouveau confortable et convivial. Nous avons cependant quelques priorités sur le feu avant de pouvoir vous restituer les "forums" dans la version que nous avons prévu de vous proposer.
Sachez que nous lisons et prenons en compte tous vos commentaires, même si nous n'avons pas forcément les ressources disponibles pour y répondre.
Merci de votre attention et de votre patience.
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Anthony
Message à celles et ceux qui voient des bobos partout :-)
Vous (au pluriel) omettez un point important dans la critique de ces comportements : ceux, dont je fais parti (et qui appartiennent à toutes sortes de catégories sociales), qui craignent la "foule". Oui, cette même foule capable du pire... et souvent pour des brouilles (ici un pot de sucre).Parce que c'est un point important : il ne s'agit pas ici de "gens isolés" mais d'une foule... et réuni de la sorte, perdant tout esprit, la foule est trop souvent effroyable.
Vous les voyez courir dans les allées... et bien moi ils m'effrayent au plus au point. Ce n'est pas la peur qui les anime... ça je pourrais comprendre... non, c'est l'absence totale de raison. Et je suis certain que quelques minutes avant cette course ils (individuellement) n'avaient rien à voir avec ça. A un moment donné ils n'étaient plus eux (les pauvres)... ils était cette foule immonde.
PS : Donc tout un chacun peut critiquer ces comportements sans être bobo ou "classe relativement éduqué".
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kawouede
Cher DS, sur la page de votre chronique (la même) sur Rue89 ou plutôt ce qu'il en reste : un intertitre "Des pots revendus 3 euros" (est-il de vous ? y a-t-il mise en abyme ?) ; en-dessous une vidéo sur l'interpellation du mari de la joggeuse.
Est-ce vraiment utile de continuer à publier là-bas ?
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charlie.lapared
Quand je lis le reportage du "Parisien" fait à Beauvais, je vois que certains pauvres ont acheté 10 pots de Nutella, ont attendu qqs jours la pénurie, et les revendent actuellement à 3€ le pot ! Ca s'appelle de la spéculation. Alors, pourquoi s'acharne-t-on sur la spéculation chez les pauvres, sur ce manque de solidarité entre gens du même endroit... alors qu'on admet sans problème que des riches spéculent sur les pauvres (les organismes de crédit aux taux usuraires), les banques, et ceux qui participent au système (et vont souvent à Davos) ... en investissant des sommes faramineuses dont ils ne sont même pas propriétaires, qu'ils n'ont pas gagnées à la sueur de leur travail...
Bref, je suis vraiment dégoûtée de cette société d'en haut... qui passe son temps à mépriser les uns et à approuver d'autres... Et surprise de voir que cette question arrive à diviser autour de moi : certains amis, qui disent avoir été pauvres, affichent un mépris haineux pour ces gens qui se sont disputés pour de la pâte vaguement chocolatée, et moi qui n'arrive pas à les mépriser mais qui ressent de l'empathie... parce que, si j'étais très pauvre, peut-être j'aurais été contente d'aller trouver du Nutella pas cher. Ceci dit, je n'aime pas me battre pour avoir qqch... donc j'aurais peut-être évité la curée.
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jhbf
Les larmes me viennent au yeux de lire que dans notre pays ...
- un pot de pâte à tartiner soit devenu un produit de luxe pour beaucoup,
- que la presse et ses lecteurs ne le découvre qu'au hasard d'une bousculade de supermarché,
- et pire encore que cela soit vrai, véritable et véridique,
- et sans que chacun ne réagisse avec toute la vigueur nécessaire, pour faire disparaître ces injustices.
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Bolzano
Une petite dose de cohérence dans les accords pour le matin?
où se sont produit les bousculades,
où s'est produite une de ces bousculades
une de ces deux phrases heurte la grammaire, on peut discuter laquelle mais avoir une opinion c'est mieux que lâcher une orthographe au hasard (une API de correction grammaticale et orthographique, dans les bientôt disponibles?).
Et si le boulot de journaliste, comme celui d'Elsa Mari qui pour un peu ferait apprécier Le Parisien, à l'encontre du nom du journal pour l'occasion, était de comprendre les gens, d'aller à leur rencontre?
Oui certains sont prêts à faire la queue le matin pour gagner 15 euros, pour faire plaisir à leurs gosses ou à leurs voisins qui n'ont pas pu se déplacer, peut-être même pour faire un petit bénéfice dans la cage d'escalier ou l'association.
Le fossé n'est pas infranchissable, c'est de l'enquête, de la compréhension, pas de la compassion.
C'est comme ça qu'on vit au pays de ceux pour qui le Nutella et le Coca sont des produits de luxe chez Intermarché, pas des symboles honnis de la malbouffe et de l'industrialisation pour ceux qui comparent les mérites de la Bovetti et de la Nocciolata chez Biocoop, dans mon village les uns habitent en face des autres et se causent. -
jean-françois copé-décalé
La critique du consumérisme sans critique du capitalisme, permet souvent de reconnaître un réactionnaire ou un libéral (ou les deux, ces termes étant souvent interchangeables).
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MyrETON
bien d'accord que tout cela pue le racisme social... les émeutes à la sortie du IPhone ne suscitent pas du tout les mêmes commentaires!
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bastounet
la façon dont la presse a parlée de ce phénomène est simplement pornographique ! utiliser la misère de gens qui veulent juste faire plaisir a leurs enfants un jour de promo est dégueulasse , quand au commentaires bobos/écolos de mes deux sur l'huile machin et truc , allez vous faire foutre . ( le foutre est un produit naturel voyez-vous , donc pas d'insulte )
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alain-b
@DétecteurdeVérité @Youri Llygotme @hansolo
j'ai réussi à retrouver le com de gemp qui indiquait la marche à suivre :il vous faut Tampermonkey, dispo pour tous les navigateurs, et une fois installé, récupérez le script beta-asi.
Note: si vous l'avez encore, désinstallez Greasemonkey qui fait la même chose, mais moins bien, sinon ça va perturber
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DéLecteurdeVraiThé
Les autres messages sont des réponses à des commentaires et n'apparaissent que si vous cliquez sur la flèche qui suivent ces derniers commentaires.
alain-b vous dit d'ailleurs en réponse "ce doit être les réponses qui ne sont pas ouvertes, voire les réponses aux réponses, il vous faut installer le script de gemp qui ouvre tout d'un coup."
J'apprends donc à mon tour qu'il faut installer un "script de gemp" et je ne sais pas ce qu'est ce "script"
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hansolo
" A cette période, dit une mère de trois enfants, il me reste parfois 20 ou 30 euros. C'est un produit de luxe, comme le vrai coca".
Rien à ajouter ...
Comme disait Coluche:
"Quand on pense qu'il suffirait que les gens n'achètent plus pour que ça ne se vende pas"
Bref!
Après même en cadeau je n'en voudrais pas (Coca ou Nutella)
Mais j'ai sûrement d'autres plaisirs coupables
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DéLecteurdeVraiThé
D'abord les pauvres ne sont pas différents des riches, si vous mettez un pauvre en face d'une envie, il a les mêmes capacités de retenue qu'un riche, sauf que ce dernier n'a pas à se retenir (à preuve les queues devant les magasins d'Apple au sortir du dernier appareil)
La rigueur budgétaire n'est pas absente chez les pauvres mais les défaillances sont plus faciles vu les contraintes
Ensuite, la publicité est dirigée vers tous : il n'y a pas de mention spéciale au bas d'une pub de la "Nut Company", du genre "produit en vente après acceptation de votre situation bancaire", il n'y a pas d'encadrement des publicités en fonction de l'âge du genre "regardez cette publicité si vous avez plus de 18 ans, cliquez ici pour confirmer"
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Youri Llygotme
Je lis à gauche qu'il y a 16 commentaires. Pourtant je n'en lis que 11 (ça va faire 12 lorsque le mien sera publié. Quelqu'un peut il m'indiquer la marche à suivre pour voir la totalité des commentaires? Merci
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Lydéric SAINT CRIQ
Comment peut-on être en accord avec la loi et vendre un produit 1.41€ au lieu de 4.50€ en dehors des périodes de soldes ?
L'enseigne ne vide pas se stocks de produits, vu que je suppose qu'elle en proposera à nouveau bientôt. Elle n'a pas le droit donc de vendre à perte, faut-il en déduire que la marge est de, au moins, 3€ ?