Moranobsession : Philippot bafouille
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 16 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Florian Philippot bafouille. Tiens tiens. La tartine s'arrête net.
Il est rare que Philippot bafouille. Il est rare qu'il se prenne les pieds dans le boulevard que lui déroulent les intervieweurs radio du matin. Pourquoi bafouille-t-il ? Parce que Frédéric Rivière, sur RFI, vient de lui poser une question sur l'omnisujet du jour : Morano. "Approuvez-vous les déclarations de Nadine Morano ?" Et visiblement, les éléments de langage du FN ne sont pas encore au point sur le cas Morano. Ils ne l'attendaient pas, celle-là, dans le rôle jusqu'à présent monopolisé par leur blonde à eux : squatteuse de sondages, incrustée des gros titres, auto-invitée de tous les bulletins d'info. La veille encore, Le Pen avait réussi un de ses coups de maître habituels, en raflant tous les compte-rendus de la visite Hollande-Merkel au Parlement européen, par un simple "vice-chancelier administrateur de la province France", huit secondes chrono.
Et voilà Morano, qui lui pique son fauteuil au 20 Heures de TF1. Et voilà que tout le système frappadingue, le sien, celui qu'elle croyait dominer, celui de la prime à la grosse transgression qui tache, tourne désormais autour de l'astre Morano. Que pensent les militants sarkozystes de Morano ? Que pense Finkielkraut de Morano ? Et Onfray ? Ce discours de Hollande est-il une réponse à Morano ? Poutine soutient-il Morano ? Et Obama ? Et quand le pape va-t-il condamner Morano ?
Dans cet environnement inattendu, donc, Philippot bafouille. Se démarquer, bien entendu, répéter que le FN n'est pas raciste, seulement anti-immigrationniste-pour-des-raisons-économiques, rien à voir, l'occasion est belle, la perche est magnifique, le boulevard de la Dédiabolisation est grand ouvert, mais pourquoi ne se précipite-t-il pas avec enthousiasme ? Tout se passe comme s'il sentait le piège. Comme si son être profond sentait le piège : quoi, il se retrouverait pour la première fois du côté des raisonnables, des surveillons notre langage, des toutes-les-vérités-ne-sont-pas-bonnes-à-dire, et ramené dans cette tranchée aux côtés -horreur !- de Sarkozy ! Alors, oui, il condamne, vite fait, gêné, bafouillant tout aussi gêné qu'on a tout de même le droit de dire ce qu'on veut. Et après quelques secondes il retrouve la terre ferme du retournement dialectique, technique brévetée FN : "alors s'il n'y a pas de races en France, pourquoi subventionne-t-on des associations communautaristes, comme le conseil représentatif des associations noires ?" Bien joué. Bien récupéré. Reste, comme un petit plaisir inattendu de la moranobsession, le souvenir de quelques imperceptibles secondes de trouble. On se console comme on peut.