McKinsey : vaccins et bullshit

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 102 commentaires

C'est le site Politico qui l'a révélé : le gouvernement a fait appel au cabinet de consultants McKinsey pour l'assister dans le plan de vaccination. En l'occurrence, a précisé Le Canard Enchaîné cette semaine, le "consultant", introduit par Olivier Véran dans une visioconférence avec les directeurs d'ARS, sans mention de son nom ni de sa qualité,  s'appelle Maël de Calan. C'est un ancien responsable des Jeunes UMP,  ancien membre du bureau politique de l’UMP, et ancien conseiller économique d’Alain Juppé. Élu départemental du Finistère, il est également président de la fédération départementale des Républicains. Il fut candidat malheureux à la présidence des Républicains en 2017 contre Laurent Wauquiez. Il est par ailleurs le fils de l'ancien président du syndicat patronal UIMM. 

Autant d'éléments qui le qualifient pour la mise en œuvre de "la définition du cadrage logistique, le benchmarking et la coordination opérationnelle du plan de vaccination", puisque telles sont, selon la réponse de la direction de la Santé à CheckNews, les missions confiées à McKinsey. À noter que deux autres cabinets ont aussi été sollicités : "Il a été fait appel au cabinet Accenture pour le lancement, l’enrichissement et l’accompagnement de la mise en œuvre du SI [système d’information, ndlr] vaccination, aux cabinets Citwell et JLL, auprès de Santé publique France, pour l’accompagnement logistique et la distribution des vaccins Covid". Selon Le Point, la prestation de McKinsey serait facturée deux millions d'euros par mois.

Au-delà de la plongée dans le monde merveilleux du vocabulaire des bullshit jobs, du "cadrage logistique", de la "transformation publique", de "l'audit et l'accompagnement du changement", et autres "missions de sourcing", cette sous-traitance au privé, par l'État, de missions qu'il pourrait accomplir lui-même est une habitude déjà ancienne, notamment dans le domaine de la santé.

Au printemps dernier, le même cabinet McKinsey avait déjà été missionné dans l'élaboration d'une "stratégie des tests", le gouvernement s'étant découvert avec stupeur incapable d'évaluer les capacités de production de tests PCR sur le territoire français.  Cette task force, rappelait le site Basta a rapidement sous-missionné ... une autre firme de conseil, Bain. "Pendant ce temps, soulignait Basta, des dizaines de laboratoires publics et privés qui avaient offert leurs services dès le début de la crise attendaient, incrédules, que le gouvernement veuille bien leur répondre".

Ces missions et sous-missions sont conclues dans l'opacité la plus totale, la Cour des comptes elle-même s'avouant incapable de procéder à une évaluation consolidée. Quant aux médias français, ils regardent le plus souvent ailleurs, sauf quand une de ces opérations dépasse les limites du sens commun. Ainsi Le Monde, fin 2018, avait révélé que le gouvernement d'Édouard Philippe avait hardiment confié au cabinet d'avocats international Dentons "l'exposé des motifs" du projet de loi d'orientation des mobilités.

A noter, cocasserie finale, que cet appauvrissement des moyens publics s'opère avec le concours efficace des mêmes cabinets de consultants. L'inlassable politique de "modernisation" de l'hôpital, qui a failli mener à l'engorgement du système hospitalier français au printemps dernier, est élaborée avec l'aide de cabinets de consultants, comme... McKinsey, relevait, dès 2012, Le Canard Enchaîné, déjà lui.



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