Maroc : et le boycott arriva en France
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 14 commentaires
Six semaines : c'est le temps qu'il aura fallu à un mouvement social de grande ampleur, se déroulant dans un pays voisin francophone, pour gagner les medias français. Je parle du boycott, au Maroc, pour cause de cherté, de marques d'eau minérale, de lait et d'essence, boycott lancé fin avril sur Facebook, et qui commence à paniquer l'oligarchie marocaine (on peut lire les premiers reportages de la presse française ici ou ici).
Six semaines pour traverser la Méditerranée. Et encore, cette fois, à la différence des manifestations de l'an dernier dans le Rif, la presse française n'a pas l'excuse des entraves apportées à son travail par l'administration marocaine. Rien de plus facile que d'enquêter sur un mouvement de ce type : il suffit d'interroger les épiciers, qui ne se privent pas de parler.
Présenté comme une réaction de protestation contre la hausse des prix, le mouvement, en fait, est-il plus complexe ? En complément aux articles de la presse généraliste française, il faut lire cette enquête de Orient XXI, qui désigne les industriels visés comme "les patrons de Sa Majesté". Certains produits ciblés par le boycott n'ont pas particulièrement augmenté. D'autres, aux prix ayant fortement augmenté, ne sont pas ciblés. Les rumeurs habituelles pointent un complot islamiste. D'autres rumeurs sous-entendent l'existence d'un complot de palais. Une chose est certaine : six ans après les printemps arabes, dans lesquels les réseaux sociaux avaient joué le rôle que l'on sait, il se passe au Maroc quelque chose d'important, et de neuf dans sa forme. On attendait un Mai 18 en France : c'est au Maroc que ça se passe.
A propos du Maroc et de son tropisme gentiment corrupteur, je vous informais hier de la nouvelle procédure-bâillon que vient de lancer contre nous Etienne Gernelle, directeur du Point
: après avoir été débouté en première instance dans un procès en diffamation qu'il nous intentait (comme à Orient XXI) à propos de Maroc et de corruption, Le Point
a décidé de faire appel. Mais tiens, ne sont-ils pas soudain frappés de remords ? J'ai noté avec intérêt la couverture du nouveau numéro du Point : un début de mea culpa ?