Maladies mentales : documentaire modèle, pour établissement modèle
Daniel Schneidermann - - Fictions - Le matinaute - 20 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Zone Interdite a planté sa caméra dans l'Unité pour Malades Difficiles de Cadillac
, en Gironde, où sont soignés, dit M6, des "malades mentaux dangereux pour la société, hospitalisés à la demande du préfet". Première difficulté pour la chaîne : comment les désigner ? Le documentaire est titré : "Unité pour Malades Difficiles. Qui sont ces fous qu'on enferme ?" Entre malades et fous, dans son titre, Zone Interdite n'a pas choisi. Malades dans le titre, ils sont ramenés dans le sous-titre à leur statut de fous.
Mais pourquoi titrer sur les fous, alors que c'est l'humanité de ces malades, qui transpire à chaque plan de ce documentaire, respectueux et délicat, signé Aymone de Chantérac. A chaque minute qui passe, nous les voyons davantage comme nos semblables, ou nous-mêmes comme leurs pareils. Celui qui est persécuté par ses tocs. Celui qui est obsédé par l'idée de se teindre les cheveux, pour ressembler à Michel Polnareff. Celui qui a agressé violemment sa soeur. Celui qui entend des voix. Celui qui pense que la Française des Jeux l'a dépossédé de son gros lot. C'est leur voix à eux, qui peu à peu s'impose. On est de plain pied avec eux.
Les tournages se sont échelonnés sur un an, pour dépeindre un monde clos, sécurisant, où les soignants sont nombreux, et attentionnés. Où celui qui souhaite conserver sa radio dans sa chambre jusqu'à 23 h 30 (au lieu de 22 heures) pour écouter le foot, pourra le faire. Où sont organisées chaque année, pour les 90 pensionnaires, des Olympiades qui aident à évaluer leur re-socialisation. Où les rendez-vous semestriels avec un juge des libertés et de la détention, chargé de vérifier que nul n'est interné abusivement, sont scrupuleusement respectés. Où les malades sont écoutés. Où celui qui souhaite rester dans le cocon de l'UMD, plutôt que d'affronter l'extérieur, pourra le faire autant qu'il le voudra. Rien ne manquait à ce documentaire.
Ou plutôt, il ne manque qu'une toute petite chose. Une allusion, une seule, à l'état général de la psychiatrie française, atteinte par la réduction de moyens, par les fermetures de lits, comme tout le secteur de la santé publique (une journée de protestation était organisée fin septembre). Un documentaire modèle, pour établissement modèle.