Macron : méfiance et entourloupes

Daniel Schneidermann - - Coups de com' - Le matinaute - 124 commentaires

Mieux payer les profs, en échange de davantage de boulot : logiquement, cette proposition du candidat Macron, développée hier au cours d'une longue conférence de presse, fait hurler les enseignants de ma pédagosphère. Ne vous y trompez pas, camarades enseignants indignés : c'est le but. Rassembler au premier tour son noyau dur contre tous les feignants qui font les belles couvertures du Point (profs, assistés, etc), avant de virer à gauche, hop hop, au second tour (si toutefois le second tour est conforme aux accablantes prédictions des sondages actuels).

Méfiant par nature des indignations de Twitter, je me reporte aux sources. Au Monde, par exemple, où je lis ceci : "L’augmentation «substantielle» de leur rémunération sera conditionnée à l’acceptation de nouvelles missions, au premier rang desquelles le remplacement «systématique» des enseignants absents". Qu'est-ce à dire ? Qu'un enseignant dynamique et motivé, ayant souscrit au nouveau "pacte", devra accepter toutes les missions de remplacement d'un collègue absent, que lui imposera le chef d'établissement ? Doubler, tripler, son emploi du temps ? Et sinon, comment seront répartis les "remplacements systématiques" ? Où est l'entourloupe ?

Se méfier des indignations rapides, tout en cherchant l'entourloupe. Ainsi de cette autre proposition de Macron, celle de soumettre le versement du RSA à l'acceptation de quinze à vingt heures par semaine d' "une activité favorisant le retour à l'emploi". En contrepartie, toutes les prestations sociales pourraient être versées à la source, ce qui bénéficierait à tous les éligibles qui, pour une raison ou une autre, ne perçoivent pas actuellement ces prestations. Où est l'entourloupe ? Facile : dans le fait, par exemple, qu'il n'est pas si simple, pour les administrations, de connaître la liste exacte des éligibles. Il pourrait ainsi rester bien des trous dans le filet.

À propos de prestations sociales, vous vous souvenez de la baisse de cinq euros des aides personnalisées au logement ? On a appris cette semaine, par la commission d'enquête du Sénat, que cette mesure avait été proposée par le cabinet de conseil McKinsey, lequel l'avait facturée quatre millions d'euros au gouvernement. On a aussi appris, de même source, que le cabinet McKinsey n'avait payé aucun impôt en France dans les dix dernières années (notamment, donc, sur ces quatre millions), contrairement aux déclarations sous serment d'un de ses responsables. Si l'implication de McKinsey dans les propositions sur les enseignants ou le RSA n'est pas encore établie, il est en revanche établi, sauf distraction de ma part, que le candidat Macron n'a proposé hier aucune mesure contre l'évasion fiscale.


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