Mabrouk, Zemmour, Pernaut : explicites et implicites

Daniel Schneidermann - - Médias traditionnels - Le matinaute - 69 commentaires

Je vois passer au réveil ce montage de l'interview d'Adrien Quatennens, député insoumis, par Sonia Mabrouk, intervieweuse d'Europe 1. 

Je me dis : pas possible, ce montage ne peut pas refléter toute l'interview. Et pourtant si. Bien entendu, dans la version intégrale, l'invité développe quelques réponses. Mais ce sont treize minutes de grêle. A noter, dans la version intégrale, que Mabrouk s'enflamme quand Quatennens insinue l'idée sacrilège que les medias s'emballeraient sur quelques faits divers. Quant à son allusion à "Zemmour, qui a pignon sur rue sur une chaîne que vous connaissez bien"... (Mabrouk collabore aussi à CNews), la grêle redouble : "Etes-vous l'arbitre des élégances ? Qui doit être recruté ?"  A la décharge de Sonia Mabrouk, nous avions noté qu'elle n'était pas très familière des invités de gauche.

L'interview se déroule sur Europe 1, cette station où les journalistes sont unanimement montés au créneau à l'annonce de l'embauche, au poste de chef du service politique, d'un journaliste de Valeurs Actuelles, Louis de Raguenel. Réunions, négociations, et spectaculaire recul de la direction : Raguenel ne sera que chef de service adjoint. Et depuis ? Depuis, plus rien. Plus de nouvelles. Bons connaisseurs du milieu, nos amis du site Les Joursdécrivent une rédaction abattue, tétanisée par les menaces de licenciement. Avec Mabrouk, Raguenel n'y sera pas totalement dépaysé.

Il est significatif, que Jean-Pierre Pernaut s'efface du 13 Heures de TF1 alors que métastase la zemmourisation. Sur le fond, le message Pernaut et le message Zemmour sont les mêmes : éloges des traditions et du terroir (ce qui est parfaitement honorable), méfiance à l'égard de tous les changements (ce qui n'est pas forcément très intelligent), et  rejet viscéral de l'allogène (ce qui peut s'apparenter à un délit). Mais où Zemmour s'étale dans le décomplexé explicite, tout l'art de Pernaut consistait dans ses pieds de sujet, dans son jeu de mimiques admiratives ou courroucées,  dans ses transitions ébahies, dans le message implicite, en complicité présumée avec son public, qui signifiait "on ne peut pas le dire tout haut, mais on se comprend". Deux époques. 

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