Les Nuits debout racontées aux lecteurs des Echos
Daniel Schneidermann - - Alternatives - Le matinaute - 19 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Pitié pour les lecteurs des Echos ! Dites, amis journalistes des Echos
, vous voulez les tuer, vos lecteurs ? Un mois après sa sortie, le quotidien économique de Bernard Arnault a finalement été obligé de leur révéler l'existence du film Merci patron !. Ah, on les a traités avec ménagements, les lecteurs. Le film n'est mentionné qu'en une ligne, au détour d'un paragraphe. Son sujet n'est pas abordé -heureusement ! Il ne manquerait plus que ça. Mais Les Echos, proposant à la cinquième nuit, sous le titre alléchant "que se cache-t-il derrière Nuit Debout" ?- un rattrapage à leurs lecteurs, ont bien été obligés de reconnaître que la manifestation est née du film (comme on le racontait ici). Peut-être, vers le 150 mars, leur révélera-t-on de quoi parle le film. "Peut-on parler de mouvement spontané ?" se demandent aussi Les Echos, avant de révéler -attention, Republic papers !- que la demande d'occupation de la place de la République a été faite par ATTAC, le DAL, et SUD-PTT. Trois chefs d'orchestre clandestins pour le prix d'un : pour le coup, les lecteurs ne sont pas volés.
"Quelles sont leurs revendications ?" demandent ensuite Les Echos. Ah confrères ! Cette simple question, vous auriez pu y répondre en écoutant les interventions de Lordon, depuis le début du mouvement. Révélons-le aux lecteurs atterrés des Echos : les nuitdeboutistes ne revendiquent rien. Rien ? Rien."Revendiquer, c'est déjà être soumis. C'est s'adresser à des puissances tutélaires aimables". Comment donc ? Ils ne demandent ni du pain, ni de la brioche ? Non, Majesté. Ils cuisent leur pain. Enfin, plus précisément, ils passent des appels sur Twitter pour trouver un four à pain. Et un groupe électrogène. Et de la farine. Et des boulangers. Et ça va marcher ? Peut-être. En tout cas, ils auront essayé. Parce qu'ils pensent, voyez-vous, c'est le point clé, que ça vaut le coup de tenter autre chose.
Bref, en attendant de voir, ils occupent. Refusant de revendiquer, refusant d'envisager une fin du mouvement, ils sont sortis du cadre imposé. Et il faudrait leur imposer un nouveau cadre ? Les re-cadrer, déjà ? Comme vous y allez. Ils laissent la dynamique opérer. Constatent la magie de l'invocation. Dimanche soir, Lordon rêvait tout haut de voir débouler sur la place des agriculteurs fournisseurs des AMAP. Hop, lundi soir, une délégation d'agriculteurs était là, accueillie sous les vivats. Demain, bras dessus bras dessous, les taxis et les Uber ?
(Marie-Antoinette, brioche, by Google images. Détail).