Les Echos adoubent le "grand seigneur" Pérol
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 45 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Les temps sont difficiles.
Même le 20 Heures de France 2 se croit obligé de diffuser une longue enquête sur les raisons du dévissage présidentiel dans les sondages. Gestion de la crise sans vision d'ensemble, effets d'annonce démonétisés, décrédibilisation des ministres, tout y passe. Elle n'en finissait pas, la liste des insuffisances présidentielles, dans cette longue enquête diffusée dimanche soir. On souffrait pour les pauvres télespectateurs de France 2, qui n'ont jamais entendu parler de rien, et à qui ces turpitudes étaient tout d'un coup révélées, en bloc. |
Dans la tourmente, restent heureusement quelques solides points d'ancrage. Les Echos, journal de Bernard Arnault, sont l'un d'entre eux. Le capitalisme s'effondre, Les Echos restent. "Le numéro deux de l'Elysée se mue en mutualiste" titre le quotidien de Bernard Arnault, au dessus d'un article relatant la destinée édifiante de François Pérol,
secrétaire général adjoint de l'Elysée, que Sarkozy s'apprête à
parachuter à la tête de l'hyper-banque issue de la fusion entre les
caisses d'épargne et la Banque Populaire. Les Echos n'ont pas entendu
parler de problèmes de déontologie. La question de l'éventuel conflit
d'intérêt, entre les fonctions passées et les fonctions futures de
Pérol, est abordée en quelques lignes, dans la bouche de quelques
grincheux (Arthuis, Bayrou) qui voient le mal partout. Les Echos
préfèrent dérouler le CV exemplaire de l'heureux élu. "Au pic de
la crise, c'est dans son bureau que se dessinera le plan de
recapitalisation des banques. C'est lui qui alimente le président dans
ses réflexions sur la réforme du capitalisme".
Autrement dit, si l'on comprend bien, c'est lui qui a conseillé à
Sarkozy de prêter aux banques, plutôt que d'en prendre le contrôle. Ce
qui explique qu'il mette en oeuvre, en s'auto-parachutant, la stratégie
exactement inverse.
Les Echos ont recueilli un témoignage de choix: celui d'un ex-collègue de Pérol, dirigeant de la Banque Rothschild (car Pérol, avant de retourner à la banque, travaillait dans la banque): « François Pérol a toutes les qualités des grands seigneurs de l'establishment : intelligence rapide, puissance de travail, connexions ; avec, en outre, des qualités beaucoup plus rares dans ce milieu, la modestie, l'humour et une grande capacité d'écoute ». Par modestie (contagieuse) sans doute, ce témoin n'ajoute pas l'abnégation. Car il en faut, de l'abnégation, pour aller rejoindre en pleine tourmente une corporation que la presse la plus sérieuse... ...crucifie à répétition Pour toutes ces raisons, il faut saluer la nomination de François Pérol, amorce de la révolution que la planète entière attend fiévreusement. |