Les démasqués
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 74 commentaires
Des perspicaces observations de ceux qui, en ce premier week-end de déconfinement, ont navigué entre quartiers populaires et quartiers bourgeois, il ressort que le masque est davantage porté dans les quartiers populaires. Les beaux quartiers s'en affranchissent volontiers. Sentiment d'invulnérabilité des dominants ? Sûrement. Est-ce aussi parce que les beaux quartiers sont plus aérés, et qu'on s'y croise au large sur les trottoirs ? Aussi. Les deux explications se rejoignant, d'ailleurs.
Au premier rang des dominants démasqués, Emmanuel Macron. Macron est masqué à l'école (tout en baissant le masque pour se faire reconnaître des enfants), masqué à l'hôpital, où deux soignantes lui ont longuement tenu tête ce week-end, mais surtout pas masqué sur le champ de bataille de Montcornet (Aisne), où il est allé hier rendre à De Gaulle un hommage grandiloquent. Pourquoi diable se masquerait-il pour l'hommage à De Gaulle ? L'idée sous-jacente, c'est donc que se masquer serait lâche, défaitiste, capitulard, indigne de l'hommage à "l'homme de Montcornet" qui, justement, selon la légende gaullienne, s'est dressé seul dans la débâcle de 40. Non content de commémorer démasqué, Macron aurait même, selon le président de Région Xavier Bertrand, demandé aux élus présents de se démasquer également.
On ne saurait mieux signifier que les servants suprêmes de la nouvelle religion des gestes barrière n'y croient pas eux-mêmes (voir aussi Castaner démasqué, en visite d'inspection sur une plage normande). Les gestes barrière, c'est pour les corps vulnérables du peuple. Nos corps à nous sont invulnérables. Où est le courage ? Dans le port, ou dans le non-port ? Ce qu'on leur demande -pour autant qu'on leur demande quelque chose- est-ce l'affectation verbale du courage personnel, ou simplement, banalement, tristement, de l'exemplarité ?