Les bionettoyeuses de Béthune

Daniel Schneidermann - - (In)visibilités - Le matinaute - 74 commentaires

Ce soir , Sept à Huit nous fait partager le travail des nettoyeuses de l'hôpital de Béthune. Pardon, des bionettoyeuses. C'est le nom de leur métier. Comme dit Claudine, leur cheffe d'équipe, pendant la pause : "le bionettoyage, c'est le premier maillon de la chaîne." Elles sont 64 à l'hôpital de Béthune, qui font les lits et les chambres, "du plus propre au plus sale". Pas un centimètre carré ne peut, ne doit échapper au détergent et au désinfectant. "Elles gagnent 1180 euros par mois" dit Harry Roselmack, sur l'image de leur "entrée en scène". Et, détachant bien chaque lettre :  "Elles sont ASH. Agents de service hospitalier". Voici Cécile. "Depuis le Coronavirus, le travail de Cécile a pris une nouvelle dimension". Le reporter, à Cécile : "c'est valorisant ?" Cécile : "Honnêtement oui. On se sent plus...comment dire...plus avec les médecins, infirmières, on est plus soudés." "Il y a moins de distance ?" "Oui, voilà."

Et Roselmack approfondit : "un travail indispensable, mais un travail de l'ombre." Une jeune femme : "Les Urgences, ils reçoivent des colis de nourriture, des gâteries, des croissants, tout ça, alors que nous on n'a rien. Alors que nous on est les premiers maillons". Et ce n'est pas tout. Il y a aussi la malveillance. "Nathalie a retrouvé des gants souillés devant chez elle".

Alors, on peut -il faut !- comme nous le faisons dans notre émission de la semaine, souligner que, même dans cette authentique série de service public, Sept à Huit évacue toute dimension politique des situations montrées. Les seuls "méchants" de l'histoire racontée par TF1, sont les voisins malveillants de Nathalie. Les 1180 euros mensuels des bionettoyeuses sont certes mentionnés dès leur "entrée en scène", mais comme une sorte de fatalité divine, contre laquelle toute révolte serait vaine. TF1 ne prône pas encore la grève générale. 

N'empêche qu'avant le Coronavirus, Cécile et Nathalie n'auraient eu de chance de passer sur TF1 qu'en participant à un jeu télévisé, avec applaudissements, tombola, et animateur payé vingt fois plus qu'elles. La tragédie nationale les propulse, elles, en haut de l'affiche. A la différence d'une revalorisation salariale, cette visibilité est éphémère ? Elle n'est dictée, comme les applaudissements quotidiens de 20 Heures, que par la grande trouille nationale ? Elle redeviendra citrouille au douzième coup de la fin du confinement ? Peut-être. Peut-être pas. Allez savoir, ce qui s'imprimera dans les corps vulnérables.

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