Le virus du déni

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 92 commentaires

Christian Estrosi, maire de Nice, accueille l'adjudant de gendarmerie Morales, un temps disparu dans les crues catastrophiques de l'arrière-pays niçois. Et il tweete une photo sur laquelle, accueillant l'adjudant rescapé, il porte son masque sous la bouche. Ce serait dommage qu'en cet instant de joie, Estrosi ne montre pas sa binette aux photographes. L'électeur niçois raterait quelque chose. Certes, Estrosi a été contaminé en mars dernier, et s'imagine qu'il est donc immunisé. En réalité, à moins qu'il ne dispose d'informations médicales confidentielles du professeur Raoult, il n'en sait rien. Pas davantage que les dizaines de responsables publics, ici ou ailleurs, qui se laissent photographier sans masques, depuis le début de la pandémie.

Je tombe sur ce tweet d'Estrosi par l'intermédiaire de notre chroniqueur Jean-Lou Fourquet, qui a re-tweeté une autre forte déclaration du même élu. "Un désastre que je n'ai jamais connu".  


Si Estrosi a écouté la télévision ou lu des journaux dans les dix dernières années ( j'imagine que c'est le cas), il ne peut pas ne pas avoir entendu qu'en raison du dérèglement climatique, les épisodes extrêmes comme la tempête Alex seront "plus fréquents et plus violents". Pour autant, Estrosi n'évoque pas la nécessité d'une révision radicale de règles d'urbanisme dans les vallées de la Tinée, de la Roya, ou de la Vésubie. Non. Il se contente de prendre acte "d'un désastre que je n'ai jamais connu".

 Je ne sais pas vous, mais personnellement je vois comme un lien, entre la technique estrosienne de port du masque, et l'étonnement estrosien devant ce désastre "tel qu'il n'en a jamais connu". Ce lien porte un nom en quatre lettres : le déni. Le déni devant les désastres de toutes sortes, parfois en effet inédits, "unprecedented", qui nous menacent ou nous frappent. Ce déni est un virus qui n'épargne aucune conscience humaine. Ni vous, ni moi qui vous écris. Il se présente sous formes bénignes, ou sous formes graves. Ses conséquences varient en fonction des époques, des contextes, des objets, des sujets (le déni de Christian Estrosi ou de Donald Trump est plus préoccupant que le mien ou le vôtre). On cherche encore le remède.


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