Le piège d'Aphatie
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 52 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Faute d'autre chose, on s'amuse bien.
Ce week-end, Aphatie a inventé le piège à ministres. Son mécanisme est simple. Il consiste en une question : "comment expliquez-vous la différence de popularité entre Sarkozy et Fillon" ? Imparable. Pas d'issue. A breveter immédiatement. On s'étonne qu'un joujou d'une telle simplicité n'ait pas été inventé plus tôt. |
Le ministre se transforme immédiatement en mouche, prise dans la toile d'araignée. Chaque mouvement l'enfonce. Chaque embryon de réponse lui est immédiatement renvoyé à la figure. "Eh bien, les Français sont reconnaissants au Premier ministre de ses efforts pour..." Alors Aphatie : "ah bon, et le président, alors, il ne fait pas d'efforts ?" "Non, ce n'est pas ça, pas du tout, mais le Président est en première ligne, et..." "Ah tiens, et Fillon, alors, si le président est en première ligne, il est où ? Il se planque ?" Dimanche soir, au Grand Jury, c'est Chatel, qui cherchait désespérément à rassembler ses éléments de langage dans le piège. Et ce matin, pour NKM, Aphatie avait ressorti son joujou. "Le président ne se soucie pas d'être aimé" répondit en substance NKM, grandiose dans la toile.
Et tous, en choeur : "bien évidemment, Nicolas Sarkozy est notre candidat naturel pour 2012". Bien évidemment ! Un gage à ceux qui ne l'auront pas prononcée au moins une fois par émission. Même Juppé, en s'inscrivant sur la liste d'attente des recours providentiels, l'a récitée. Fillon s'entraîne chaque matin au café, des fois qu'il oublie son texte. On ne jurerait pas que même Villepin ne l'ait pas dite. Comme c'est beau, un candidat naturel ! Sans adjuvants. 100 % bio. Un peu cher peut-être, un peu tordu, pas vraiment calibré, rendement incertain, mais na-tu-rel, on vous le dit. Pardonnez-moi d'être si futile ce matin. Les petites joies sont si rares. Faute d'autre chose, on s'amuse bien.