Le monde d'avant la gifle

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 36 commentaires

Où est passée la gifle ? Ce n'est pas si ancien, pourtant. Où sont passés les démons grimaçants ? Où est passée la colère ? Xavier Bertrand pose au volant d'une 4L électrique, estampillée présidence de la République. Les chaînes d'info en font leur image de la soirée. C'est rigolo. C'est bonhomme. C'est malicieux. Bertrand a attendu le départ de Macron de l'usine Renault de Douai, où tous deux sont venus de conserve annoncer le projet d'un site de fabrication de batteries électriques, par une entreprise sino-japonaise. Et puis, hop hop, au revoir monsieur le Président, à la prochaine, il s'est assis au volant. Et sa conseillère en communication a envoyé la photo sur les réseaux sociaux. Tout le monde sourit. Bien joué ! Où est passée la gifle ?


Lisez les analyses politiques d'aujourd'hui dans votre journal préféré. Le "problème de l'abstention" n'aura vécu qu'un soir (et encore, voir notre émission de la semaine). Xavier Bertrand rêve. Pécresse rêve. Wauquiez rêve. Sur la rive d'en face, Olivier Faure rêve de la fin des écolos, et amorce pour la 135e fois la fusée Hidalgo. Tous entraînent dans leur rêve les journalistes chargés de les suivre, et d'accoler des adjectifs à leurs rêves. Hier encore, sous l'ancien nouveau monde, les journalistes chargés de la droite et de la gauche "classiques" rasaient les murs de leurs open spaces. On les envoyait acheter les chips de soja pour les pots de départ. Ils tremblaient de la charrette. Ils relèvent la tête. On attend fiévreusement leur analyse. T'as vu le dernier SOFRES ? Que va faire Bertrand ? Et  Gérard Larcher, comment va-t-il se positionner ? 

Ce n'est pas un lendemain de Titanic abstentionniste, c'est une hallucination collective. Le vieux monde est de retour. Sa 4L. Sa bonhommie républicaine. Ses petites vacheries républicaines. Sa courtoisie républicaine. La Gauloise de Pompidou. Les clins d'œil d'avant la gifle. Les Régions ne servent à rien ? Mais si ! Elles servent, tous les six ans, à organiser des régionales, lesquelles servent à nourrir des préambules pour la présidentielle. Il paraît même que c'est pour cette raison que Macron rêve de "frapper un grand coup" en reportant l'âge de la retraite à 64 ans. Hier encore, il triangulait chez Le Pen. Il va trianguler chez Bertrand. Le but de ce retour de la "réforme paramétrique des retraites" ? Embêter l'homme à la 4L.  "Vider un peu plus de sa substance Xavier Bertrand, déclare un macroniste à Libé. Car que lui reste-t-il si on lui enlève la question des retraites ?" Les futurs retraités seront contents d'apprendre qu'ils "vident Bertrand de sa substance".

Lire sur arretsurimages.net.