Le "dogme" des 60 ans, une lecture simple

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 42 commentaires

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On peut prendre la question par tous les sens, par devant, par derrière, pas dessous, par dessus

 
, la réforme des retraites est à la fois horriblement complexe, et épouvantablement simple. Sur un point, par exemple : faut-il augmenter le nombre d'annuités requises, ou relever l'âge légal de départ en retraite ? Relever l'âge légal défavorise ceux qui ont commencé à travailler tôt, donc n'ont pas étudié longtemps, c'est à dire plutôt les ouvriers, dont nombre se trouveront avoir cotisé trop longtemps, avant d'avoir le droit de liquider leur retraite. Augmenter encore le nombre d'annuités, à l'inverse, défavoriserait plutôt les cadres, qui ont eu des vies professionnelles plus courtes. C'est un choix simple. Un choix de classe.

 

C'est même un choix si simple que l'on s'étonne, dans le feuilleton-fleuve de la réforme des retraites, de ne pas l'avoir entendu énoncé plus souvent. Il a fallu que le gouvernement tombe le masque, et dévoile ses intentions par une série de fuites savamment contrôlées, pour entendre rappellée, noir sur blanc, cette lecture de l'affaire. Soyons justes : on l'entend parfois. Même dans un journal comme Les Echos, qui en fait un titre. Mais il est vrai qu'il s'agit d'une interview de François Chérèque, secrétaire général de la CFDT. Comme si cette idée était trop simple pour être endossée par un journaliste. Soit dit en passant, dans cette interview, Chérèque lève un fameux lièvre, en évoquant une des prochaines controverses à venir, sur le relèvement d'un autre âge légal, celui de 65 ans, pour liquider une retraite sans décote. Cet âge-là passerait de 65 à 68 ans. Attendez-vous à en entendre parler.

De cet embrouillage d'une donnée simple, chacun tirera les conclusions qu'il souhaite. Soit, que les journalistes chargés de rendre compte de l'affaire, sociologiquement originaires, dans leur immense majorité, de la bourgeoisie où l'on ne commence pas à travailler à seize ans, n'y comprennent rien eux-mêmes (et il est vrai que c'est tout de même un tout petit peu plus compliqué que de trancher le point de savoir s'il fallait publier le dossier médical de Johnny Hallyday). Soit (version complotiste, qui aura ses adeptes), qu'ils le comprennent trop bien, et ne souhaitent pas que le public parvienne à ce navrant degré de compréhension.

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